Né à Jérusalem en 1936, auteur de deux pièces de théâtre et de six livrets d’opéras du compositeur Josef Tal, Israël Eliraz se consacre aujourd’hui entièrement à la poésie. Voix forte dans son pays, elle porte jusqu’ici : quatorze de ses recueils ont été traduits de l’hébreu au français sous sa supervision, et ce dernier livre a bénéficié d’une relecture des poètes Gaspard Hons et Cédric Demangeot. La parole d’Eliraz est « nette », limpide, près des choses et des sens. Elle évoque fourmis et abeilles, les herbes, la force du Jourdain qu’il ne faut plus garder caché « comme un figuier derrière le sucrier ». Toute la vie contenue dans les poches d’un enfant fait usage de guide, entretient l’espoir, permet le regard en avant : « Déchiffre la tactique du geste rude / du termite invisible qui habite / ta poche. Tout est là. » Les images riches, pleines, et qui dans une langue maîtrisée et mesurée savent conserver avec justesse le mystère ; les plis, le cri, le rouge souvent présent qui serait le sang, les fruits devinés des absurdités de la guerre, les « sages, les mouches porteuses de fardeaux » indiquant le chemin, une photo : la fourchette d’André Kertesz, de belles références à Pierre Reverdy, Bernard Noël, André du Bouchet, Samuel Beckett, aux lignes courbes, à la nudité, aux virgules ; tout cela coule comme le Jourdain, vit, forme une maison chaude qui nous rappelle un recueil précédent, Comment entrer dans la chambre où l’on est depuis toujours. Et si « nous sommes des hommes qui / mourons avec des poches pleines / de feu, de clous, de passions // égorgés par la grammaire folle / du pays, des puits bloqués », et si Eliraz et l’enfant le savent, ne laissent rien leur échapper, ils s’emparent du sacré qu’ils lisent partout pour aller bien au-delà, nous montrent à les suivre, et refusent de se taire.
Laisse-moi te parler comme à un cheval
d’Israël Eliraz, José Corti, 140 pages, 15 €
Poésie La sagesse des mouches
mars 2006 | Le Matricule des Anges n°71
| par
Hélène Pelletier
Un livre
La sagesse des mouches
Par
Hélène Pelletier
Le Matricule des Anges n°71
, mars 2006.