Figure remarquable de la Résistance intellectuelle sous l’Occupation, Louis Parrot (1906-1948) publia à la Libération un témoignage de grande valeur, L’Intelligence en guerre. Écrivain, journaliste, traducteur, il inaugura aussi en 1944 avec son Paul Éluard la collection « Poètes d’aujourd’hui »chez Seghers. Ce fut donc un passeur de textes, mais également un amoureux de l’Espagne et de ses écrivains qu’il fréquenta avant la guerre civile.
Les huit textes qui composent Où habite l’oubli paraissent en 1944, et s’ils tissent une ode à la littérature espagnole, ils sont surtout hantés par la tragédie franquiste. Le recueil s’ouvre sur le soliloque endiablé de l’excentrique Ramon Gómez de la Serna, ou les talents de « sourcier » d’un José Bergamin, mais ce sont bien deux phares de la poésie ibérique qui illuminent son propos fiévreux, alors que « le rideau de fumée » fasciste a obscurci la Péninsule : le virtuose Federico García Lorca et le solitaire Antonio Machado. On le sait : l’un fut fusillé à Grenade en 36, l’autre mourut d’épuisement en 39, après son exil à Collioure. Tous deux représentaient l’espérance obstinée de tout un peuple. Lecteur passionné et précis, Parrot aborde ces œuvres avec clarté et un sens aigu du vivant. Voici Lorca l’Andalou, et son regard « magnétique », sa palette de couleurs, ses « métamorphoses de la fatalité ». Voilà Machado le Castillan, qui rêvait « de se faire comprendre par les pierres mêmes de la rue » et dont les vers, simples et incantatoires, portaient l’ombre de sa mélancolie. Mais Parrot n’oublie pas le tribut payé par ces messagers de l’espoir, et c’est avec la douleur au cœur, souvent poignante, qu’il se prête à ces exercices d’admiration.
Le livre se termine sur un silence assourdissant. Il s’agit de la description d’un camp où s’entassent des réfugiés républicains, « un désert inhumain habité seulement par les chardons et la pluie ».
Où habite l’oubli de Louis Parrot
Farrago, 152 pages, 18 €
Histoire littéraire Incendie espagnol
mars 2006 | Le Matricule des Anges n°71
| par
Philippe Savary
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Incendie espagnol
Par
Philippe Savary
Le Matricule des Anges n°71
, mars 2006.