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Entendu à la radio Du présent, ou rien

avril 2006 | Le Matricule des Anges n°72 | par Antoine Emaz

Le cinéma l’après-midi. Table ronde autour du dernier Chabrol, L’ivresse du pouvoir. Je n’ai pas vu le film, et le titre me paraît un peu clinquant. J’ai toujours considéré Chabrol comme un bon cinéaste, pas comme un grand. Écouter la déférence des interrogateurs ne me laisse rien augurer de bon. Et puis, en quelques minutes, le bonhomme s’impose par son naturel et sa technicité exacte sitôt qu’il parle du métier. Il y a bien sûr du cabotinage à parler du « pognon », de « se noircir les fesses aux Caraïbes », mais on le sent à l’aise dans ce niveau de langue. On entend, s’il monte d’un cran, la formule réchauffée pour l’occasion : « La nature humaine est extrêmement complexe, et pour un homme, la nature féminine, un peu plus. » Par contre, sur la fin de l’émission, lorsqu’il est interrogé sur d’éventuels ratages dans l’œuvre, j’ai vraiment l’impression d’une réflexion lucide, d’une sorte de morale plus large que son seul cinéma : « Le vrai problème est comment dire non », si « tout le monde a ses raisons »(citation de la Règle du jeu). Idem pour le jugement lapidaire : « Que vous tourniez un peu ou beaucoup, vous loupez au moins un film sur trois. » Ce jugement est-il exportable au livre, à la peinture, à la musique ? En tout cas, je trouve intéressant cet aveu, par le créateur lui-même, d’un déchet, d’un rebut, d’erreurs peut-être nécessaires. Récuser le pur, même si c’est pour mieux placer le coup de pied de l’âne : « Le bon navet est préférable à l’œuvre ambitieuse ratée. » Je ne sais pas si j’irai voir son film, mais j’ai l’impression d’avoir rencontré, sur France Culture, un bonhomme vivant.
L’esprit public. Invité : Michel Rocard. Intelligence claire, à la fois dans les buts et les moyens. Une sorte d’autorité et de tranchant qui peut énerver, de même que la vitesse de son débit peut fatiguer. Mais ce plaisir d’entendre un homme politique qui ne prend pas l’auditeur pour un crétin. Sa critique acide et justifiée de l’état actuel. Sa leçon, discutable pour son côté Machiavel, mais juste sur le « comment réformer ». Bizarre comme la plupart des politiques vieillissent tôt et mal, alors qu’un petit nombre restent intègres et verts, d’esprit, je veux dire, vifs.
Raté Poésie sur parole, comme souvent, parce que c’est l’heure ordinaire de la reconduite à la maison de retraite. Et je n’ai jamais eu (pourquoi ?) l’habitude ou le réflexe d’enregistrer, d’aller sur le site… Comme si la radio était définitivement du présent, ou rien. Vieillerie de mes us. Du coup, je prépare la soupe avec For intérieur, émission qui m’intéresse ou m’énerve, selon l’invité(e). En l’occurrence, je retrouve un mélange de suspicion et de curiosité face aux sagesses lointaines, et plus précisément la relation religion/médecine… Je note : « En prenant le pouls, pour quelqu’un d’expérimenté, on peut savoir le passé de la personne »… Pas vraiment convaincu.
« En raison d’un mot d’ordre national de grève, nous ne sommes pas en mesure de diffuser nos programmes habituels. » Musique. J’aime bien quand ma radio partage mes convictions. Comme quoi l’outil de travail se révèle précaire sitôt que les précaires (et les solidaires) qui font travailler l’outil cessent le boulot. Un peu plus tard, la même voix style SNCF signale à l’auditeur « l’absence » de Nicolas Demorand et de ses collaborateurs. Grève ou grippe, on ne le saura pas. On se doute bien qu’il y avait des pour et des contre, c’est une équipe plurielle. « Absence » met tout le monde d’accord. Idem à midi : Tout arrive, même l’absence d’émission. On médite tout cela en musique, avant la manif sous une pluie tenace, froide, déloyale.
Familiarité d’une voix. J’entends Velter, mais c’est de même avec Veinstein. Une sorte d’attention compliquée qui va autant au présentateur qu’au présenté. À l’oreille, on essaie de démêler ce qui tient de la technique radio, et ce qui est affect vrai. Drôle de jeu de la voix, dans ses franges, ses marges. Pour l’auteur invité, c’est plus simple, on entend de suite la timidité, l’arrogance, l’habitude du micro… ; pour celui qui interroge, c’est beaucoup plus en demi-teinte, mais on entend la fatigue, l’énervement, ou le désir vrai de dialogue, la curiosité de l’autre.
Emmanuel Demarcy-Mota : « l’acteur est un athlète affectif ». Soit. Et le poète ? Et le mari, ou l’amant ? Et le prof ? Bref, qui n’est pas un « athlète affectif » au quotidien ? Mais c’est peut-être une question de haut-niveau.
Interview d’un joueur de foot qui a écrit un livre, sur France-Info : « à 22 ans, je veux écrire ma vie » ; « on peut écrire sans lire » ; « au dénouement final, il va se passer plein de choses. » Quelle jeunesse ! Quelle fraîcheur !
« Il ne comprend pas qu’on ne l’ait pas compris. » Là, nul doute, s’il en restait encore. En fait, on le savait, mais certains de mes amis avaient encore des réticences (le mot est faible, même au pluriel) pour l’adouber dans la confrérie. « Il ne comprend pas qu’on ne l’ait pas compris. » Le doute n’est plus permis : Villepin est un poète. Écoutant une telle forte parole, son pathétique déchirant, on ne peut que dire : « viens Villepin, tu ne t’es pas frappé le cœur, mais le génie viendra… viens parmi nous, les poètes incompris, maudits, damnés… et surtout, souffre et meurs sans parler. » Mais le poète poursuit, il « persiste sur le fond, mais admet des erreurs sur la forme. » Patatras ! Des années qu’on s’échine à expliquer qu’en poésie on ne peut séparer le fond de la forme… Je me demande si Matignon est abonné au Matricule…

Du présent, ou rien Par Antoine Emaz
Le Matricule des Anges n°72 , avril 2006.