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Poésie Écrire la poésie

avril 2006 | Le Matricule des Anges n°72 | par Richard Blin

Entre silence et ignorance, déploration et exaltation, Benoît Conort erre dans le noir, à la recherche du vrai visage de la poésie.

Écrire dans le noir

Après le cycle formé par Pour une île à venir, Au-delà des cercles (Gallimard, 1988 et 1992) et Main de nuit (Champ Vallon, 1998), et après Cette vie est la nôtre (Champ Vallon), Benoît Conort (né en 1956), se propose, avec ce nouveau livre, non pas d’écrire de la poésie, mais d’écrire la poésie, de s’approcher de ce qui la rend si nécessaire, de ce qui la fait être, continuer à être, malgré Auschwitz, malgré la mort. La poésie « ne dissipe ni le chagrin ni les deuils, ce pourquoi elle serait inadmissible. On ne guérit pas de la finitude ». Et pourtant, par-delà la nécessité de maintenir vive la mémoire, « l’immense toujours recommencé tissage de la voix des morts », la poésie est aussi ce qui se rêve capable comme l’amour, la mort, la folie, de suspendre le temps, de brouiller les limites, de « jeter l’impair dans le pair ».
Scribe sans visage, ombre incertaine, le poète n’a pas d’autre demeure que la forme qu’il donne à son silence brisé. « On regarde loin devant on voit le noir des / étoiles éteintes des étoiles à naître // Il y a si long temps / on est ce noir que l’on voit ». On n’en sort pas, du noir, mais il est peut-être possible de composer avec lui, en le dépouillant en partie de ce dont il nous hante. C’est ce que tente Benoît Conort tout en sachant qu’il n’existe pas de parole magique, qu’on n’échappe pas à nos fantômes, au « bruit des autres », à la réfraction de leur voix dans la nôtre, aux « livres vertiges » qui nous accompagnent, à l’opacité du royaume des ombres. Alors, on rôde, on cherche une issue. On creuse dans le noir, on se glisse sous ce qu’il étouffe, et on remonte les chemins du silence, ceux qui, entre chaos et innocence, relient et séparent, passent par la voie des rythmes, la cadence du cœur, peuvent s’accordent aussi, musicalement, à un ordre des choses, à des sensations intérieures, à des échos qui, pétris, repris, ressassés, déploient un espace inédit, viennent habiter un temps hors du temps.
Mais quelle forme choisir, quelle forme suffisamment syncopée, suffisamment sculptée, suffisamment émouvante pour garder trace, en langue, de cette expérience, de ces traversées ? Ni vers, ni prose, mais le verset, répond Benoît Conort, cet « hybride au-delà de l’hybride » qui est capable d’unir et d’amalgamer tout ce que le désir de poésie peut contenir de contradictoire : le silence et le cri, la source et le fleuve, le vide et le plein, le deuil et le don, le sens et le non-sens… Encore que, si le sens nous paraît parfois « in-sensé, ce n’est jamais que par rapport à notre sens, qui n’est pas, nécessairement, heureusement, le sens comme-un, ni le sens comme-autre », et qu’il est donc possible « de penser « l’impossible impensable », et que nous n’en soyons pas capables aujourd’hui n’autorise pas à nier son existence ». J’appelle verset, écrit Benoît Conort, « ce pli que fait le vers dans la prose « , » cette phrase qui, au fond du vers, plisse la prose, excède / la forme repérable, la pré-déterminée, la modélisable ». Il suffit alors de supprimer tout ou partie de la ponctuation pour obliger le lecteur à « faire de sa lecture un événement », à connaître la même aventure que l’auteur, à devenir ce qu’il lit, élit, ou croit lire. Et peut-être ne lit-on que pour partir en quête de ce qui, quelque part, serait déjà écrit.
C’est à ce théâtre secret, à cette mise à nu, et au noir, de la poésie qu’invite Écrire dans le noir. On y tourne, entre rumination ontologique et inquiétude questionnante, jusqu’à ce que le comparable cède devant l’incomparable. On y défie le noir jusqu’en sa transparence, on y cherche l’ombre d’un impossible salut jusqu’au plus sombre de cette « goutte de ténèbres » qui gît au fond de tout encrier. Écrire encore, « s’acharner, / s’enfoncer dans la langue, en proposer la chair vibratile, / conjonction du mot et de son tremblement, sa face / sonore et /sa face désirante, en dire la langue aspirante… »

Écrire
dans le noir

Benoît Conort
Champ Vallon
225 pages, 16

Écrire la poésie Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°72 , avril 2006.
LMDA PDF n°72
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