Michel Le Bris a imposé en France la littérature de voyage ou d’aventure, le travel writing. Plus humblement, Olivier Gallmeister, 36 ans, souhaite de son côté faire partager son goût pour les écrivains de nature. Ce courant littéraire, le nature writing, a acquis ses lettres de noblesse depuis des lustres en Amérique (de London à McGuane, de Thoreau à Rick Bass) où il est enseigné dans les universités. Plus près de nous, Mario Rigoni Stern en est un digne représentant quand il recueille des histoires fabuleuses sur son bout de plateau vénitien. Mais dans nos contrées, le genre reste peu connu, voire dévalorisé. « De surcroît, les gens confondent souvent écrits de nature, et régionalisme ou ruralisme, style École de Brive », explique le jeune éditeur, qui a quitté en 2005 son poste de financier (chez Hachette Diffusion Service), pour se lancer dans le défi solitaire. « Je voulais changer de vie » et sûrement un peu d’air.
D’origine corrézienne, Olivier Gallmeister a mis huit mois pour préparer son affaire. Il s’est rapidement aperçu que l’édition était un métier. Épaulé par Anne-Marie Métailié ou encore Laurent Beccaria (Les Arènes), il a créé une SARL au capital de 30 000 € pour publier quelques joyaux de sa bibliothèque… « J’ai toujours grandi avec la littérature américaine, celle des grands espaces, celle de Philip Roth, celle de Saul Bellow… », explique-t-il. Les États-Unis le fascinent. En 1991, il en fait le tour, en bus. « On peut penser à Bush et aux gros Texans. Mais l’Amérique, c’est avant tout des paysages incroyables. La nature y est très présente et très violente. Là-bas, des hommes se font encore manger par les ours… »
Au début de l’année, il faisait paraître ses premiers ouvrages : Vingt-cinq ans de solitude de John Haines, et un polar corrosif et déjanté, Le Gang de la clef à la molette, d’Edward Abbey, figure majeure de la contre-culture américaine, dans lequel quatre « guerriers » de l’environnement inventaient un nouveau principe de précaution, l’écosabotage, afin de défendre leur désert contre l’envahisseur industriel.
Olivier Gallmeister remet le couvert ce mois-ci avec une double livraison : un Petit traité de philosophie naturelle de Kathleen Dean Moore, et surtout Itinéraire d’un pêcheur à la mouche de John D. Voelker (auteur d’Autopsie d’un meurtre sous le pseudonyme de Robert Traver). Voelker (1903-1991) fut à la fois procureur dans le Michigan et « toxicomane » : entendez un accroc de la canne en bambou. Si Moby Dick n’intéresse pas seulement les chasseurs de baleine, ce recueil de récits hautement héroïques n’est point destiné aux seuls amoureux des salmonidés. Tel un « Magellan (…) contemplant les rives d’un nouveau continent » à chaque partie de pêche, la cannette de bière à portée de main, Voelker est aussi un raconteur d’histoires merveilleuses. Partout où il trempe sa ligne, ce sont des instants de « solitude primitive », des souvenirs attachants de fraternité entre l’homme et la nature...
Éditeur L’Ouest se rapproche
mai 2006 | Le Matricule des Anges n°73
| par
Philippe Savary
Amateur de littérature américaine, Olivier Gallmeister lance un ambitieux programme de traductions, spécialisées dans les écrits de nature.
Un éditeur