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Domaine étranger Trois fois Manhattan

juillet 2006 | Le Matricule des Anges n°75 | par Delphine Descaves

Michael Cunningham ne manque pas d’ambition : trois récits en un pour sonder l’histoire américaine, reliés par la figure tutélaire de Walt Whitman.

Le Livre des jours

Dans un de ces précédents romans, Michael Cunningham s’était déjà intéressé à une figure littéraire : Virginia Woolf hantait Les Heures, joli triptyque consacré à la romancière et au destin de deux femmes. Le Livre des jours reprend la forme tripartite, cette fois autour du poète américain Walt Whitman : né en 1819 et mort en 1892, il a écrit une œuvre principale, Les Feuilles d’herbe, dans laquelle il développe un mysticisme démocratique, où l’homme est un des éléments d’une création divine globale.
Ces trois récits, situés à des époques différentes, se déroulent dans un même lieu, Manhattan. La première partie, qui se passe en pleine révolution industrielle, raconte le destin de Lucas, un adolescent dont le frère, Simon, vient de mourir happé par une machine. Pour sauver ses parents et lui-même de la pauvreté, Lucas n’a à son tour d’autre choix que de travailler dans cette usine métallurgique. Cunningham restitue, avec un réalisme teinté par endroits de romantisme, la grandeur et la misère de cette épopée moderne, cette nouvelle ère qui s’est ouverte avec l’avènement des machines, qu’on pouvait croire douées d’une force autonome, tel que Lucas se plaît à l’imaginer : « il se demanda si sa machine s’entretenait avec les autres, la nuit, quand les hommes étaient partis et qu’elles se retrouvaient seules à habiter l’usine. Il n’avait aucun mal à les imaginer en train de chuchoter dans l’obscurité, de chanter les louanges de leurs hommes, de rêver d’eux. » Cunningham trouve parfois des accents poétiques pour évoquer cette période, et on apprécie les passages consacrés à la description des usines et des ouvriers qui y sont attachés, la puissance innocente et pourtant meurtrière des machines. Mais il arrive aussi que cette présence poétique soit un peu pesante ou artificielle : ainsi les citations de Whitman qui sortent de la bouche de Lucas à chaque fois qu’il parle, sont un brin agaçantes, et parasitent le récit plus qu’elles ne le portent. La deuxième partie s’ouvre sur le Manhattan contemporain : Cat, une profileuse new-yorkaise, est aux prises avec d’étranges attentats conduits par des enfants, dont les enquêteurs s’aperçoivent progressivement qu’ils connaissent bien Les Feuilles d’herbe. Ce volet, efficace, écrit de façon plus sèche, comme un bon polar, fonctionne très bien. Le personnage de Cat, bourreau de travail, mère en deuil aux prises avec la culpabilité, amoureuse réservée qui ne s’abandonne pas, est crédible, attachant, et Cunningham peint adroitement ce milieu policier confronté à la violence sociale, acculé au cynisme ou voué à l’amertume, et tenté par un changement radical de vie. Enfin, Cunnigham nous plonge dans un univers de science-fiction pur jus : Simon, un robot androïde, a pour charge d’effrayer les touristes de Central Park et se lie avec Catareen, une Nadienne, créature extra-terrestre. Mais il a aussi été programmé pour citer des vers… Cunningham a-t-il souhaité se prouver qu’il pouvait illustrer trois genres en un même livre ? La couture entre la deuxième et la troisième section ne convainc pas en tout cas, peut-être parce que Cunningham est plus à l’aise dans le récit réaliste et psychologique, et que, dans le traitement qu’il fait du récit de science-fiction, il s’applique à redonner les codes de ce genre, sans du tout les renouveler.
En revanche, la réflexion sur le passage du temps, sur l’imperméabilité ou au contraire la soudaine et intermittente porosité des époques entre elles, est plutôt réussie, dans les indices matériels que l’on retrouve de la première à la seconde histoire : par exemple le bâtiment de la Manhattana Company, où travaillait plus d’un siècle auparavant la fiancée de Simon, ou alors, au fond d’une brocante, un bol que Lucas avait acheté avec ses maigres sous pour l’offrir à la jeune femme. Ce à quoi nous fait réfléchir Cuningham la notion de progrès des sociétés au fil de l’Histoire, et ce fil historique précisément qui nous relie collectivement à notre passé national ne manque au final pas d’intérêt.

Le Livre
des jours

Michael
Cunningham
Traduit
de l’américain
par Anne Damour
Belfond
348 pages, 21

Trois fois Manhattan Par Delphine Descaves
Le Matricule des Anges n°75 , juillet 2006.
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