Le froid et la glace ne protègent pas du mal. Bien au contraire, en Islande, à l’instar des dépouilles de mammouths, ils en conservent la trace. Ainsi cet os humain retrouvé, et ce d’une très hilarante manière, façon farce macabre, renvoie à un meurtre commis soixante ans plus tôt près de Reykjavik. Le commissaire Erlendur mène l’enquête. Divorcé bougon, sa fille vient de faire une overdose et se trouve dans le coma. Tous les jours, en marge des investigations, il lui rend visite, et lui parle. Mais que dire à un corps inanimé ? Il finit par raconter sa vie, son enfance et révéler un secret lourd, enfoui. Dehors, autour du squelette, une équipe d’archéologues s’affaire, tandis qu’une mystérieuse femme en vert apparaît sur la lande.
Arnaldur Indridason, diplômé d’histoire, auteur de romans noirs dont La Cité des Jarres, aime à travailler sur la mémoire. Celle qu’il exhume appartient à une famille pauvre, insignifiante, tyrannisée par un père violent et sadique. Cette mémoire en croise une autre, celle d’une jeune femme de milieu bourgeois, violée par un de ses pairs et disparue. L’enchevêtrement de ces mémoires qui hache le récit, la violence de certaines scènes, leur intensité dramatique, le climat de peur, l’empathie pour les personnages provoquent une sorte de transe fantastique. Ce roman sensible est un terrible témoignage sur les violences faites aux femmes et aux enfants qui laissent d’énormes bleus à l’âme. « Cependant, il y a eu une époque où il avait été un petit garçon et il devait bien avoir conservé en lui des traces de ce petit garçon, une petite voix qui l’appelait depuis le fond de son âme. Et même quand il se mettait dans ses colères les plus violentes et les plus noires et qu’il ne respectait plus rien, il y avait toujours en lui cette voix qui le suppliait d’arrêter. »
La Femme en vert d’Arnaldur Indridason
Traduit de l’islandais par Éric Boury
Métailié, 300 pages, 18 €
Domaine étranger La fureur des pères
juillet 2006 | Le Matricule des Anges n°75
| par
Dominique Aussenac
Un livre
La fureur des pères
Par
Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°75
, juillet 2006.