La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français Bambi in the sky

septembre 2006 | Le Matricule des Anges n°76 | par Thierry Guichard

Sur le mode romanesque, Jean-Hubert Gailliot analyse en Michael Jackson le signe de la désincarnation de l’humanité. En multipliant les pistes de décollage….

Invité à faire partie du cercle Bioy Casares (en réalité Cercle Jorge Luis Borges), Jean-Hubert écrit un texte inédit qu’il lira devant quelques-uns des écrivains qui comptent le plus pour lui : J. G. Ballard, Joyce Carol Oates, Jean-Jacques Schuhl, Juan José Saer, J. M. Coetzee. Ce sera Bambi Frankenstein un récit halluciné dans lequel il raconte sa rencontre avec Michael Jackson, alias Wacko Jacko, alias Bambi.
Jean-Hubert, après son terrible accident du côté de Málaga et son transfert au « Heartbreak Hotel, une clinique de psychiatrie expérimentale associée au parc culturel L’Hacienda » ressemble à une momie, son corps étant entièrement recouvert de bandelettes. C’est dans cet état, couché sur un lit à roulettes, qu’il rencontre les avocats de Michael Jackson victime de sa très grande candeur : la star mondiale vient de confesser dans un reportage le bonheur qu’il prend à dormir avec de jeunes enfants. Le procès l’attend. Jean-Hubert a écrit, naguère, sur Wacko Jacko, analysant le phénomène « Michael Jackson, cet être mal défini, ni tout à fait toon ni tout à fait humain, ni vraiment noir ni vraiment blanc, ni enfant ni adulte ». C’est pourquoi les avocats lui demandent de l’aide. Qu’il accepte de passer la nuit dans l’avion privé du chanteur, sorte de caisson sensoriel planant dans l’atmosphère en compagnie de Michael himself.
C’est donc le récit de cette nuit dans les nuages qui nous est donné dans la première partie du livre (la seconde rapporte, quelques décennies plus tard comment la lecture du texte a été reçue par les écrivains déjà nommés).
Allongé près de Michael, Jean-Hubert tente de démythifier d’abord Bambi, le jeune faon en rapportant une histoire inventée par le créateur du personnage, Felix Salten. Sigmund Salzmann (vrai nom de Félix Salten) a en effet raconté dans Joséphine Mutzenbacher les tribulations très pornographiques d’une enfant qui deviendra une prostituée. Ce récit de pédophilie provoque une réaction violente de Michael qui va finir par s’évanouir laissant à Jean-Hubert toute liberté pour son exploration du concept autant que du corps (ou l’absence de corps) de Michael Jackson.
Le roman file aussi vite que l’avion supersonique du chanteur : à nouveau, après Les Contrebandiers (L’Olivier, 2000) et L’Hacienda (L’Olivier, 2004), Jean-Hubert Gailliot multiplie les pistes de réflexions autour des mythes modernes. Michael Jackson, qui fut un personnage de dessin animé avant de s’incarner sur scène, est, il est vrai, un sujet formidable pour qui s’intéresse à l’image et aux rapports qu’elle entretient avec l’identité. À un rythme endiablé, il autopsie le phénomène de la célébrité, de sa propagation, de sa marchandisation. Il y a quelque chose du jeu de bonneteau dans la façon de faire de l’écrivain : ce n’est pas un gobelet qu’il manipule et déplace, mais cent idées et au lecteur bien malin de trouver sous laquelle se trouve la clé. Par exemple : si Michael a perdu son nez, c’est que, personnage mythique, il est à rebours de Pinocchio : là où le mensonge de l’un allongeait l’appendice nasal, l’innocence de l’autre, son incapacité à mentir, réduit d’autant son nez. Par exemple : sous le costume de la star c’est souvent quelqu’un d’autre qui parade, un singe une fois, Elton John une autre. Par exemple, Michael Jackson est vide à l’intérieur et l’on pourrait (à condition de trouver la fermeture éclair) endosser sa peau comme un costume de déguisement. Par exemple : Wacko Jacko est un doudou sur lequel ont bavé, se sont tripotés des millions de gosses. Par exemple la littérature, selon Carol Oates, nous engage dans « des expériences de dépersonnalisation » de plus en plus risquées au point que « nous n’acceptons plus de réintégrer notre moi social qu’en de plus en plus rares occasions. » On pourrait multiplier encore et encore les exemples qu’il nous faudrait plus de pages que le roman n’en compte. Car, non content, d’aller vite, Jean-Hubert Gailliot parvient à une densité du récit telle qu’il apparaît comme un bloc de météorite susceptible à tout moment de désagréger l’ordre des choses. Stimulant en diable, Bambi Frankenstein, comme tous les romans de l’auteur, marie la littérature, la musique (plutôt rock) et la maïeutique : une manière de nous faire accéder à l’envers du décor du monde contemporain. À lire le matin, sous peine de ne pas dormir de la nuit.

Bambi Frankenstein de Jean-Hubert Gailliot, L’Olivier, 121 pages, 15

Bambi in the sky Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°76 , septembre 2006.
LMDA papier n°76
6,50 
LMDA PDF n°76
4,00