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Domaine étranger La prose du monde

novembre 2006 | Le Matricule des Anges n°78 | par Richard Blin

Mélange de choses vues et éprouvées, de notations naturalistes et de bribes de sagesse, le Journal de marche de John Muir à travers une Amérique encore sauvage, témoigne de son inconditionnel amour de la nature.

Quinze cents kilomètres à pied à travers l’Amérique

Né en Ecosse en 1838, John Muir suivit ses parents qui émigrèrent, quelques années plus tard, en Amérique. Il travaillera d’abord dans la ferme paternelle, avant d’étudier à l’université de Madison, le latin, le grec, la géologie, la botanique… et de commencer à voyager à pied, essentiellement pour herboriser début d’un rapport intime à la nature qui fera de lui un ardent défenseur des espaces sauvages, et le conduira à imaginer et à fonder les célèbres Parcs Nationaux d’Amérique du Nord. Travaillant ici et là pour vivre (il fut même directeur d’une scierie ne débitant que des arbres déracinés par les tempêtes), il décida, à la suite d’un accident de travail qui faillit lui coûter la vue, de partir vers le Sud pour découvrir la végétation de la partie chaude de son pays, et, si possible, gagner l’Amérique du Sud pour en étudier la flore. Quinze cents kilomètres à pied à travers l’Amérique raconte cette marche, ce périple qui le conduisit d’Indianapolis au golfe du Mexique à travers le Kentucky, le Tennessee, la Géorgie et la Floride, de septembre 1867 au printemps 1868. « Mon projet était simplement d’aller droit devant moi, approximativement au sud, par le chemin le plus sauvage, le plus noyé dans la végétation, le moins battu que je pourrai trouver et promettant la plus vaste étendue de forêt vierge ».
Équipé d’un simple sac à dos contenant sa presse à plantes, le Paradis perdu de Milton, et un Nouveau Testament, il part donc, littéralement enchanté par l’idée de ce rapport direct à la nature. Notant faits et circonstances, il rapporte ses surprises, ses émotions, en un ensemble d’observations et de sensations qui ne relève jamais de l’exercice littéraire, mais de la sobriété d’un journal rendant parfaitement l’enchaînement des paysages, la progression et le sentiment de liberté de l’homme aux prises avec l’espace américain. Un contact charnel avec la « divine beauté » d’une nature sauvage encore intacte. John Muir marche pour s’étonner, parle de « pèlerinage floral », se dit aux anges lorsque se combinent « les joies d’une eau fraîche, d’une ombre fraîche et de plantes rares ». Il note le chant des oiseaux, se montre très sensible aux variations de la tonalité des vents, parcourt des « kilomètres de beauté », même si tout n’est pas toujours facile, comme lorsqu’il s’agit de traverser des fouillis de ronces. « On n’est pas seulement griffé à travers ses vêtements mais coincé, immobilisé. Les longues tiges dentées s’abattent sur vous comme autant de bras vivants et cruels : plus vous vous débattez, plus vous vous empêtrez irrémédiablement et plus vos blessures s’aggravent et se multiplient ». Et puis il y a la faim, la soif, les serpents à sonnette, les mauvaises rencontres, les nuits passées à la belle étoile, à camper parmi des tombes ou à dormir à flanc de colline en compagnie d’ « escadrons de moustiques affamés » ou « de gros coléoptères aux pattes piquantes » venant courir sur les mains et le visage. Mais que de découvertes ! Du champ de coton « Je m’étais figuré qu’un champ de coton en fleur était quelque chose de magnifique, mais le coton est une plante sans finesse, désordonnée, traînante, qui a l’air malheureux, et bien moins belle qu’un champ de pommes de terre » aux premières vraies montagnes, au premier bananier, au premier palmier… Mais terrassé par une maladie de type paludéen, John Muir ne pourra poursuivre son voyage vers l’Amérique du Sud rêve qu’il ne réalisera que 44 ans plus tard, et devra se contenter d’un bref séjour à Cuba.
Lire ce journal, c’est s’enfoncer dans le paysage, sentir un climat, s’ouvrir à la beauté de l’inconnu tout comme aux tristes réalités des séquelles de la guerre de Sécession. C’est adhérer avec jubilation et sensualité à ce qui est. C’est comprendre que nous ne sommes pas les propriétaires du monde que nous habitons, que la Nature « a pour objet le bonheur de chaque plante, chaque animal et non pas le bonheur d’un seul « , » Monseigneur l’homme ». Puissions-nous, alors que déforestation, pollution et trou dans la couche d’ozone mettent en danger la planète, trouver dans cet ouvrage, matière à réflexion, à sursaut et à rêves, comme John Muir, imaginant le chant des fleurs, la mélodie ondoyante et rythmée « formée par les voix d’une infinité de pétales et de pistils parfaitement accordés ».

Quinze cents kilomètres à pied à travers l’Amérique de John Muir - Traduit de l’anglais (États-Unis) par André Fayot, José Corti, 168 p., 17

La prose du monde Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°78 , novembre 2006.
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