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Domaine étranger Le tourbillon

avril 2007 | Le Matricule des Anges n°82 | par Lucie Clair

Fidèle à son talent pour les fresques historiques, Vikram Seth a choisi le récit d’une histoire familiale pour offrir un regard aigu sur l’Europe du XXe siècle.

À 18 ans, dans les années 1970, Vikram Seth quitte son Inde natale pour suivre des études universitaires en Angleterre. À Londres, l’héberge entre deux trimestres son oncle Shanti, dentiste marié à une Allemande quelque peu impressionnante, tant par la taille que ses manières directes. De ces courtes cohabitations auraient pu ne demeurer que quelques souvenirs d’un couple âgé, qui se dispute en bilingue, et vit au rythme des bulletins météorologiques et des marches dans les montagnes suisses s’il n’y avait eu une décision administrative qui obligeât le jeune garçon à devoir acquérir rapidement l’usage d’une seconde langue européenne. Ce sera donc l’Allemand, aidé par tante Henny nouant ainsi le premier lien, celui d’un idiome commun, avant de devenir langage partagé et, beaucoup plus tard, donner naissance à Deux vies.
Vies en miroir inscrites dans un récit fleuve, qui retrace l’arrivée de Shanti, jeune étudiant en 1931 à Berlin pour y suivre des études de dentiste et trouve à se loger en louant une chambre dans le grand appartement de la famille juive allemande de Mme Caro, malgré les avertissements de la cadette à sa mère : « Ne prends pas le Noir ! » Shanti est de peau foncée et « ainsi débuta une relation qui devait durer cinquante-six ans » entre ces deux êtres, séparés par la guerre, éprouvés par la perte de leurs proches, puis rassemblés à Londres, l’une rescapée de l’Holocauste, l’autre mutilé Shanti perdra un bras pendant ses missions mais reprendra son activité en Angleterre, devenant l’un des plus improbables dentiste-manchot qu’aucun écrivain pourrait inventer. Pas plus les épisodes troublants parsemant cette époque, que les amitiés confuses, les conflits d’intérêt et de loyauté entre les amours transies d’Hans, fils du patron d’Henny, et ce dernier, qui favorise le départ de la jeune fille en 1939, n’étaient soupçonnés par le jeune Vikram.
Trente ans après leur rencontre, un marocain de cuir révèle les lettres conservées par Henny et ouvre la voie à ce long travail de reconstitution inspiré par une femme si différente des membres de la famille indienne de Vikram Seth, dont il n’a jamais caché s’être abondamment inspirée pour la saga politique et familiale d’Un garçon convenable et par son histoire d’amour étonnante (la réalité dépasse la fiction romanesque une fois de plus). Au fil de la correspondance de cette étrangère à la fois rude, exigeante et intentionnée et qui écrit beaucoup « Des deux c’était tante Henny avec qui je correspondais le plus souvent. C’était une enragée de la machine à écrire », derrière le souvenir de celle qui suivait les mésaventures du jeune Vicky sur le campus de Stanford, se profilent les pans entiers d’une douleur qui se taisait et de la part vitale qui demeure : « l’anéantissement de sa mère et de sœur s’était abattu sur Henny comme la foudre, mais l’effort qu’elle se sentit tenue d’accomplir pour clarifier ses rapports avec les amis qui avaient partagé, ou au contraire contribué à provoquer, les souffrances qu’elle avait vécues ne fut pas moins éprouvant. » C’est ce souci de l’action et de la parole justes qui anime cette femme dont la présence ne s’efface pas, que l’auteur a intégrée dans son propre univers d’écriture, et qui le bouleverse lorsqu’il revient de ses recherches aux archives de Yad Vashem à Jérusalem.
« Parfois en lisant de vielles lettres, j’ai l’impression de fouiller une tombe » disait Henny à son amie Ilse en 1946 et c’est souvent le risque de la publication d’une correspondance. Sauf qu’il ne s’agit pas ici de percer le mystère de ces vies, mais de faire voir la part d’irréductible en chacun, proche ou lointain et l’imbrication étroite entre les destins personnels et les tourbillons de la grande histoire, tout en célébrant cette force du libre arbitre qu’a défendu ardemment Henny : « chacun est l’architecte de son avenir et doit faire de son mieux pour construire sa vie en fonction de ce qu’il sait. »

Deux vies
Vikram Seth
Traduit de l’anglais (Inde)
par Dominique
Vitalyos
Albin Michel
575 pages, 24

Le tourbillon Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°82 , avril 2007.
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