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Domaine étranger Contes cendrés

avril 2007 | Le Matricule des Anges n°82 | par Lucie Clair

La fin de l’ingénuité de Blanche-Neige coïncide avec celle de la disparition des utopies : le premier roman doux-amer de Jesús Del Campo.

Les Carnets secrets de Blanche Neige

Il y a toujours un après même aux contes de fées. Une histoire qui se clôt en ouvre une autre, et lorsque le Prince Charmant emmène Blanche-Neige pour qu’ils se marient et aient beaucoup d’enfants, l’histoire se met en route à nouveau : dans le royaume de conte de fées où il l’épouse, les règles sont un peu différentes de celles de la forêt, les partis politiques se disputent, conservateurs royalistes contre tenants de l’égalité, les embarras du protocole engoncent la jeune mariée, une foule de questions inattendues se bousculent quand l’héritier du trône se fait attendre. Dans le palais en voie de délabrement, elle s’approprie un attique, espace protégé où se retrouver face à ses carnets intimes, feuilles jetées dans un hasard pas si chaotique vu les désordres qui agitent le monde alentour. Entre une belle-mère Alzheimer qui plante des « magnolias dans une valise Louis Vuitton », un Prince, certes charmant, mais écrasé par soucis institutionnels et déboires à la chasse, et la rage inassouvie de sa marâtre, chef d’un État voisin, Blanche-Neige ouvre une page de l’histoire de son monde, ingénue impatiente de s’aguerrir et prête sans le savoir à faire basculer sa vie et celle de ceux qui l’entourent dans un tout autre univers. Lorsque les contes de fées sont abrogés et la prohibition des livres déclarés dans le pays, que les libraires se mettent en grève et déstabilisent l’ordre politique, bien sûr, la diplomatie américaine s’en mêle. Une nouvelle ère s’ouvre dans laquelle, malgré la présence des musiciens Tristan et Gabriel, la jeune Blanche-Neige a perdu son innocence : « ni la mort ni l’amour ne sont plus ce qu’ils étaient ». Si l’allégorie est parfois poussée un peu loin, le sens de l’humour de Jesús Del Campo n’est jamais en reste et permet de suivre avec allégresse ses périples insensés frappés au coin d’un sens aigu de l’impermanence des choses et des êtres ouvrant par l’absurde et le paradoxe une voie subtile, puisque « la mort est un pieux mensonge, un coup de griffe sur l’insolente douceur de l’éternité », mais qu’« il est facile d’arriver à un âge hallucinant si on lit les bons livres dans le bon ordre ».
Les Carnets secrets de Blanche-Neige
est un livre dense comme du mercure mercurienne aussi son écriture, liquide et lourde de sens mais légère et fluide, glissant, nous entraînant d’un chapitre à l’autre sans le moindre point d’appui tout juste quelques virgules rajoutées par l’auteur (de son propre aveu en introduction) pour faciliter « la tâche du lecteur » et cette traduction remarquable de Marianne Million. Livre d’une initiation complète, de la rencontre entre les aspirations existentielles de chacun et les aléas du temps, qui se déroule sous l’œil bienveillant d’un cénacle de sages réunissant autour d’Euclide le libraire, Mister (John) Silver, un certain Cosimo et Lord Lyndon, assemblée docte et espace ouvert, où le temps n’existe plus, et où s’interrogent les relations entre le rêve et la réalité, la liberté et l’égalité.
Il y a aussi du Calvino dans ce livre, de la bourrasque d’un Baron perché et de sa construction en miroir objet auquel il est ici fait abondamment allusion, conte oblige et de multiples clins d’œil à l’univers de Stevenson, autant pour ses réflexions sur le roman, son goût pour les revenants, chaque interlocuteur de Blanche-Neige narrant les tribulations d’un de ses ancêtres doué d’une seconde vie et c’est ainsi que le fantôme d’Hamlet rencontre l’aïeul de sa couturière sur les murailles brumeuses de Suède, que pour son Île au trésor, et l’on retrouve là les germes du deuxième roman de Jesús Del Campo Les Dernières Volontés de Sir Hawkins (déjà traduit en français et également chez Corti). Un livre qui commence comme une fantaisie et se termine par les accents poignants de la tragédie car ces contes de fées abrogés ne sont finalement peut-être pas autre chose que les rêves que l’on fomente pour soi, sa vie et pour le monde, dans ce pays de l’être, avant que « le souffle empoisonné de maturité ne (l’) envahisse par surprise. »

Les Carnets
secrets de Blanche-Neige

Jesús Del Campo
Traduit de l’espagnol par Marianne Millon
José Corti
267 pages, 19

Contes cendrés Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°82 , avril 2007.
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