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Poches Au nom du père

avril 2007 | Le Matricule des Anges n°82 | par Anthony Dufraisse

De Bombay à Bromlay, Hanif Kureishi évoque longuement celui qui se rêvait écrivain. Un hommage touchant, tout en nuances, et plus encore.

Contre son coeur

Ce livre n’était pas prévu. À l’origine, Hanif Kureishi projetait d’écrire sur ses lectures de jeunesse. Au lieu de ce qui eût pu être une anthologie commentée, c’est de son père qu’il nous entretient. Il doit ce changement de programme à la découverte d’un manuscrit abandonné, le dernier qu’ait signé son père, lui aussi écrivain. À 50 ans, Kureishi prend prétexte de cette trouvaille imprévue pour se mesurer à la figure paternelle : « Il faut avoir atteint l’âge mur pour se mettre en quête de ses parents, et pour moi, il s’agit maintenant de trouver la place que j’occupe dans l’histoire et les fantasmes de mon père » (…). Ce n’est pas la première fois que l’auteur du Bouddha de banlieue évoque les rapports entre père et fils. Sur ce sujet, peut-être s’en souvient-on, il y a ce texte « L’écriture, un don » recueilli dans Souvenirs et divagations. Ici déjà Kureishi abordait cette double figure, père et écrivain. Auparavant, en plus romanesque, il y eu Le Don de Gabriel. Une fois encore, donc, Kureishi ramène à la vie ce père, Shani, installé à Bromley dans la banlieue de Londres au début des années 50, après que l’Inde ait entériné sa Partition. Fonctionnaire gratte-papier en poste à l’ambassade du Pakistan le jour, ce « paki » marié à une britannique écrit la nuit et durant tout son temps libre à s’en ruiner la santé, qu’il a déjà précaire. Comme son fils plus tard, il touche à tout : romans, nouvelles, pièces de théâtre et radiophoniques. Mais contrairement à lui, rien que de très orthodoxe ne sortit de sa machine à écrire. Non qu’il manquât d’ambition mais d’imagination seulement, si ce n’est, pour tout dire, de talent. Bref, beaucoup de sueur et d’insomnie, point de reconnaissance littéraire au bout. Il se rêve écrivain, jamais il ne sera publié. Malgré l’échec, « ne cédant pas au découragement, il écrivit toute sa vie, envers et contre tout. » Aussi cet ultime manuscrit, « testament à retardement », est-il un signe d’outre-tombe. Il s’agit d’un roman d’inspiration autobiographique, où le père se met largement en scène. Intitulé Une adolescence indienne, ce roman incomplet, troué, se situe à Bombay, au crépuscule de l’époque coloniale britannique. Chemin faisant Hanif Kureishi en donne à lire des extraits. Réhabilitation posthume ou exposé des preuves ? Un peu des deux, on imagine : cette publication dans la trame même de l’ouvrage prouve que le père a bel et bien tenté d’être un écrivain. Et ce à quoi de toutes ses forces aspire le père va finalement, à son tour, inspirer le fils. Loin d’apparaître comme un repoussoir, comme il arrive parfois que soient les parents pour leur progéniture, Kureishi découvre à l’adolescence, et à travers ce père forcené, sa propre vocation d’écrivain. De cet éveil à l’écriture, il retrace ici la généalogie sinueuse tout en dressant parallèlement, et avec force précisions, le portrait et le parcours du père. Il aménage le manuscrit, mémoire sur papier, « accès objectif au passé », « porte sur un passé conservé dans les mots ». Il serait trop court de voir seulement dans ce livre un hommage à cette figure paternelle plutôt bienveillante.
Si hommage est rendu loin de toute hagiographie, c’est sur la toile de fond complexe d’une histoire familiale que croise, tantôt au premier tantôt en arrière-plan, l’Histoire d’un Empire britannique en perdition. La conscience religieuse, la condition d’immigré, le racisme ordinaire, la transmission culturelle, l’apprentissage de sa différence, la construction de soi, l’ambivalence identitaire, la création littéraire, ce sont là, pêle-mêle, quelques-uns des fils qui courent le long de ce livre polyphonique et protéiforme. Autant de thèmes chers à Kureishi parce que vécus, et qui donnent à ce livre, par moments, une allure d’essai sociologique. Non que tout soit parfait dans cet ouvrage à la composition brouillonne ou que Kureishi échappe toujours au décousu du bavardage, mais aucun de ces menus défauts ne parvient à suspendre l’intérêt du lecteur, ni à lui faire perdre le fil de cette (en)quête familiale à quoi il est entraîné.

Contre
son cœur

Hanif Kureishi
Traduit de l’anglais par Jean Rosenthal
10/18
248 pages, 7,30

Au nom du père Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°82 , avril 2007.
LMDA papier n°82
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