L’ouvrage publié à l’occasion de l’exposition Samuel Beckett au Centre Georges-Pompidou à Paris (qui se tient jusqu’au 25 juin) est plus qu’un catalogue rétrospectif : Marianne Alphant et Nathalie Léger l’ont conçu à l’image de l’un de ces carnets de format A4 de cuir noir sur lequel Beckett écrivit L’Innommable ou Comment c’est. Celui-ci s’ouvre comme une sorte de boîte noire, où il s’agira d’entendre comment les lignes obsessionnelles, minimalistes, grinçantes, parfois encanaillées et burlesques de l’écriture de Beckett marquèrent autant le domaine des arts contemporains que celui de la littérature d’aujourd’hui, sans compter les metteurs en scène de son théâtre et les traducteurs. Parmi les écrivains invités (vingt et un), on mesurera le gouffre interprétatif possible entre Pierre Bergounioux et Charles Pennequin. À chacun son Beckett, certes. On retiendra les interventions de Jean Frémon (Joyce/Beckett), de Georges Didi-Huberman sur l’image dans la pièce filmée Quad et celles créées pour la télévision. Toutes, du témoignage (Auster) au clin d’œil (Vila-Matas, Chevillard), au dessin (Pajak) ou à la traduction renversée (Stacy Doris) se complètent et se répondent à mesure que se mixe et se sample ce livre-concept à part de matières, de textures et de pistes d’exploration. Le premier des deux inédits, qui inaugurent le volume, lié à la figure tutélaire de Joyce dont il sera un familier, donne le ton, par son humour et son art du décalage : « Le danger est la netteté des identifications. Concevoir la Philosophie et la Philologie comme deux chanteurs peinturlurés en nègres tirés du Teatro dei Piccoli est réconfortant, tout autant que la contemplation d’un sandwich-club au jambon ».
Objet : Beckett - Édition du Centre Pompidou/ Imec éditeur, 180 pages, 39,90 €
Poésie Beckett : replay
juin 2007 | Le Matricule des Anges n°84
| par
Emmanuel Laugier
Beckett : replay
Par
Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°84
, juin 2007.