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Domaine étranger Grenier indien

juin 2007 | Le Matricule des Anges n°84 | par Dominique Aussenac

À travers la correspondance de deux simples d’esprit, Laird Hunt dévoile un panorama poétique sur une contrée nord-américaine et ses laissés-pour-compte.

Indiana, Indiana

De l’Indiana que savons-nous ? Qu’il s’agit d’un État du centre des États-Unis dont le nom signifie « Terre indienne », que ses habitants sont surnommés « hoosiers », « cul terreux » et considérés comme extrêmement conservateurs. Perdue au cœur de l’Indiana, une ferme. Dans cette ferme, devant un feu de cheminée, un homme, Noé, à l’hiver de sa vie, rêve, ou plutôt refait le parcours de son existence. Il a été aimé par ses parents, a connu une passion fulgurante et contrariée pour une femme, Opal. Ils n’ont vécu ensemble que quelques semaines puis ont correspondu. À travers ces lettres d’une immense beauté, d’une extrême sensibilité, l’histoire de cet amour, peu à peu, se recompose. Noé est né simple d’esprit. Aux États-Unis, en littérature comme au cinéma, le handicap est souvent compensé par des dons. Noé voit à travers les choses, à travers les êtres. Il a ainsi été utilisé par le shérif pour élucider certaines énigmes. Dans la terre, il perçoit la présence de tombes indiennes ou d’horloge abandonnée. Il est capable de deviner le destin des gens. Son père, Virgile, un homme lettré, fasciné par l’Antiquité, mais enseignant défroqué, mis au ban de la société, a raconté à Noé des tas de mythes, de légendes, d’histoires que ce dernier a pris au pied de la lettre. « C’est ce qui est arrivé aux anciens dieux, avait expliqué Virgile. On les avait oubliés depuis très longtemps, alors ils ont laissé tomber tout ce qu’ils portaient, se sont allongés face contre terre, n’ont plus bougé, et au bout d’un moment la terre s’est ouverte et les a engloutis. » La vie de Noé et d’Opal aurait pu être magnifique, si cette dernière n’avait commis l’irréparable. Enfermée à l’asile, subissant maints électrochocs, Noé ne la reverra plus.
À travers cette histoire, le roman sous-titré « Les beaux moments obscurs de la nuit » donne à voir une galerie de personnages pittoresques et émouvants. La présence fantomatique des Indiens Potawatomis et Shawnees, premiers occupants de l’Indiana et allégrement massacrés. Les colporteurs, bonimenteurs qui se déplacent d’une ville à l’autre. Les hobbos, vagabonds, musiciens et chômeurs, arrachés à leurs terres et quêtant un emploi. Tous ces gens trimballant leur magie et leurs imaginaires soufflent une idée de liberté, un certain athéisme sur le roman et le pays qui contrastent avec l’isolement, la dureté du travail, le repli sur soi, la ferveur religieuse des autochtones. L’écriture de Laird Hunt, ample, lumineuse crée des volutes, développe une dimension onirique, insiste sur le sensoriel, le microscopique (ailes d’insectes, poussières mordorées, éléments végétaux), crée de somptueux bric-à-brac. « Les gens dansaient. Ils étaient frôlés par des rais de couleurs. Comme si l’air s’était divisé en emportant tout ce qu’il contenait avec lui. L’oxygène et l’azote de ce côté. Le carbone et l’hélium de l’autre. Lentement puis rapidement. Rapidement puis lentement. Les gens dansaient puis se mettaient à tomber. A la fin tous étaient à terre. »
Les dialogues, incisifs, décapants accélèrent le récit, tentent de bousculer Noé dans ces incertitudes. Malgré les vicissitudes, le roman ne sombre jamais dans le pathos, il adopte une espèce de sérénité mélancolique où prédomine une curieuse et puissante fascination pour la vie, les rencontres. Comme s’il retournait un gant, Laird Hunt révèle une autre réalité, une autre sensibilité, une autre façon d’être au monde. Un très beau chant d’amour à un pays, à une terre, à l’innocence perdue et retrouvée, à l’enfance. Dans la postface, l’auteur explique que ce livre n’aurait jamais pu être écrit s’il n’avait passé cinq ans dans une ferme de l’Indiana en compagnie de sa grand-mère. Cette dernière lui a permis de découvrir de nombreuses choses, notamment comment repérer « des cardinaux en plein milieu de l’hiver volant au-dessus de la neige, le rouge vif de leur plumage se détachant sur les troncs d’arbres sombres. »

Indiana, Indiana
de Laird Hunt
Traduit
de l’américain
par Barbara Schmidt
Actes Sud
223 pages, 20

Grenier indien Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°84 , juin 2007.
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