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Domaine étranger Théâtre d’ombres

septembre 2007 | Le Matricule des Anges n°86 | par Richard Blin

Troublante et toujours juste, une femme raconte l’amour, son emprise et son empreinte, sa part d’ombre et de leurre.Quatrième roman de Simona Vinci.

Difficile de mettre en mots la toujours mystérieuse relation qui unit un être à un autre « pour lequel nous éprouvons un sentiment incompréhensible et lancinant, plein de contradictions, que nous avons l’habitude qu’on nous a appris à nommer amour ». Difficile, car déjà tellement tenté, tellement débordant à l’image de ce que pense la narratrice de Rome : « Trop de monuments, trop d’Histoire, trop de mythes. Trop de bruit et trop de lumière » mais tellement tentant. Dire cette palpitation nue qu’est l’amour, cet état de porosité totale à laquelle il nous condamne, cette façon de tomber dans l’Autre à quoi nul n’échappe. Témoigner de ses mirages, de sa force d’ivresse, de la manière qu’il a de fulgurer sur le fond de sa perte, de ne s’exalter idéalement que dans son rapport au perdu, ne pouvait que séduire l’auteur de romans noirs (Où sont les enfants ; Dans tous les sens comme l’amour ; Comme avant les mères, tous chez Gallimard) qu’est Simona Vinci, née en 1970 à Milan, et vivant aujourd’hui près de Bologne.
Très symboliquement, c’est donc à Rome, dans une chambre d’hôtel, que vont se rencontrer pour la première fois un homme et une femme. Elle se souvient, revit, pour les besoins de la longue lettre qu’elle lui écrit, ce que fut leur histoire d’amour. Son tout début d’abord, « le moment le plus terrifiant de toute rencontre amoureuse », et le don de soi : « Sers-toi de moi (…). Ceci est un corps de femme, tu peux le prendre, t’en servir, en faire ce que tu veux ». Des hommes, elle en a connu « Avec eux j’ai fait l’amour, j’ai voyagé, j’ai partagé beaucoup de choses, mais je ne les ai jamais aimés ». Lui, elle croit l’aimer, sans savoir encore qu’aimer, c’est faire face à une certaine modalité de l’impossible. À présent qu’elle sait, elle lui doit la vérité, sa vérité, « chacun répétant sa propre vérité, inconciliable avec celle de l’autre ». À la fois peinture de l’amour et histoire d’un désenchantement, Chambre 411 est donc une traversée intime de tout ce qui joint et sépare dans cette relation sans merci qu’est l’amour, dans cette forme d’union des contraires où chaque geste, chaque élan, chaque aveu ou abandon peut être vrai et faux, depuis ces moments d’épiphanie du réel où le temps est comme suspendu, jusqu’à tout ce qui se détruit en se donnant, pour atteindre, parfois, le point extatique de la dislocation. Mais, entre-temps, le doute, la réflexion (« J’essaie d’imaginer ma vie sans une présence constante, sans devoir penser à moi-même comme à une personne « en couple » »), le questionnement (« Pourquoi précisément elle ou lui, quel geste, quel regard, quel mouvement, quel mot, quelle assonance, quel écho ! »), ainsi que le bestiaire intérieur des premières souffrances et la désidéalisation, auront ruiné toutes les illusions d’harmonie entre deux subjectivités comme entre l’âme et le corps. Car il est toujours un moment où, à côté de l’amour, apparaît « son double, son ombre cachée ». La magie disparue, commence alors ce qui ressemble à un désensorcellement, c’est-à-dire à la progressive prise de conscience d’une discordance fondamentale entre les hommes et les femmes. C’est cette vérité qu’explore Simona Vinci, en bousculant nombre d’idées reçues et en stigmatisant le piège mortel qu’est « la volonté de se fondre de s’annuler l’un l’autre ». L’amour n’est pas un temple où entrerait la lumière du monde. L’amour passe et corrompt. Il est « méchanceté. Douceur ». Il est insaisissable et échappe à toute certitude, sauf, peut-être au moment où il se dérobe. Un peu comme un éternel revenant, il est là sans être là. Quand on croit avoir tout dit, on ne peut que constater que rien n’a été dit. Ce que Simona Vinci exprime, à sa façon, dans ses trois dernières phrases. « Je t’ai aimé plus que je n’ai jamais aimé quiconque, je t’ai aimé plus que tout./ J’ai aimé un homme qui n’existe pas./ L’autre, celui qu’on attend depuis toujours et qui ne peut arriver ».

Richard Blin

Chambre 411
Simona Vinci
Traduit de l’italien par Vincent Raynaud
Robert Laffont, « Pavillons », 144 pages, 17

Théâtre d’ombres Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°86 , septembre 2007.
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