Le Miraculeux voyage d’Édouard Tulane

Avec ce nouveau conte initiatique, la romancière américaine Kate DiCamillo aborde le délicat sujet de l’apprentissage de l’amour. Le roman explore méthodiquement les émotions d’un lapin de porcelaine aimé par toutes les personnes à qui il a appartenu, sans jamais leur donner d’amour en retour, ni ayant même jamais songé. Il en sera puni. Jouet de luxe au départ, Edouard Tulane dégringole l’échelle sociale à vitesse grand V : il se retrouve dans le sac d’un vagabond, épouvantail, jeté dans une décharge publique… Edouard Tulane connaît de multiples déboires (perdu, abandonné) et vit des expériences très difficiles (mort d’une petite fille qui l’adorait) avant de se retrouver dans le magasin d’un vendeur de poupées de porcelaine. Cette retraite forcée l’oblige à réfléchir, à faire un retour sur lui-même pour comprendre et accepter que l’amour est un sentiment complexe (joies et peines) qui se vit dans la réciprocité. Même si le propos de Kate DiCamillo est un peu rapide, Le Miraculeux Voyage d’Edouard Tulane parvient à mener le lecteur dans des aventures extraordinaires, un peu à la manière des romans anglais du XIXe siècle. D’une écriture limpide, Kate DiCamillo sait retranscrire les atmosphères pesantes ou heureuses et la diversité des émotions de ses personnages, relayées par les belles illustrations de Bagram Ibatoulline. L’auteur prête à ce lapin hors du commun des questionnements existentiels alors qu’elle ne lui donne ni la parole, ni le pouvoir de se mouvoir (ni les membres, ni les yeux). Kate DiCamillo concentre l’attention sur l’essentiel sans possibilité d’échappatoire. Le lecteur ressent l’étau dans lequel semble se trouver Edouard Tulane, tel un nouveau-né emmailloté, car, c’est bien d’une naissance dont il s’agit ici, celle de l’acquiescement aux sentiments.
Le Miraculeux Voyage d’Edouard Tulane
de Kate DiCamillo - Ill. Bagram Ibatoulline
Traduit de l’américain par Sidonie van Den Dries, Tourbillon, 204 pages, 12,95 €