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Histoire littéraire Poste de nuit

novembre 2007 | Le Matricule des Anges n°88 | par Emmanuel Laugier

Après l’immense Zibaldone, la correspondance de Leopardi nous plonge dans une pensée qui n’aura cherché qu’à toucher les relations entre le corps et le savoir.

Correspondance générale (1807-1837)

Il faut imaginer qu’à 11 ans, le jeune Leopardi (né en 1798 à Recanati, dans les Marches), qui aura pris l’habitude chaque année, avec sa sœur et son frère, de mettre en scène, dans une sorte de soutenance publique, leurs travaux scolaires, compose un sonnet inspiré de sa première lecture d’Homère. À 13 ans, il travaille à une traduction rimée de L’Art poétique d’Horace. À 16, il propose une refonte du premier chapitre de l’Histoire de l’astronomie et commence ses premiers travaux de philologie. Sa mère est heureuse de le savoir aussi laid depuis sa naissance, car le contraire (les miroirs étaient bannis de la maison) aurait attiré à lui, et contre elle, d’insupportables séductions. Elle se réjouit, à défaut d’amour à lui donner, de ce qu’il se crève sa vie, son dos et ses yeux (il perdra l’éclat vif de ses yeux à cette tâche et en deviendra vite bossu), à l’étude. Gérard Macé, traducteur de deux lettres rassemblées sous le titre de Discours sur la haine du pays natal (Fata Morgana, 1991), dira d’Adelaïde Antici que son « visage en peinture suffit à glacer les sangs, son avarice et sa cruauté, son insatisfaction sans aucun doute, en font un personnage auprès duquel Vitalie Rimbaud, la fameuse mother, est un monstre de tendresse… » L’écrivain allemand August von Platen décrit, après avoir rencontré Leopardi en 1834, soit trois ans avant sa mort, que son aspect « a quelque chose d’absolument horrible. » Mais de ce corps en apparence affligé et vieux, sort un son neuf, que son éducation classique et la cordialité de ses manières, effacent presque. L’élégance de sa pensée et la force de ses vues sur le monde l’emportant sur tout le reste.
Ses premières lettres sont adressées à ses parents. Il tutoie le père avec affection et attend son retour, vouvoie cette « très chère Madame ma mère » en quatre lignes déjà distantes d’où ressort le précoce jugement maternel de son inaptitude ; il a 8 ans. Ces lettres, qui ont les tours de la rhétorique épistolaire attendus, retracent pourtant, avec les proches, et jusqu’à la fameuse lettre au père lui annonçant son désir de quitter la province familiale (qui jamais ne la reçut - un siècle après Kafka écrira la sienne), sa formation intellectuelle et sensible, celle de l’accouchement d’une pensée en acte. Lettres comme journal de travail en somme, l’intime se mêlant à l’écriture de soi comme exposition de ce qui nous fait et nous tient tous. Véritable « réflexion sur les nœuds d’une existence », rappelle le préfacier Antonio Prete, qui exige que l’on soit juste avec soi-même en se donnant à sa propre vérité, l’une n’empêchant pas la pudeur, le retrait et la réserve. Des centaines de lettres seraient à citer, tendresse et complicité avec sa sœur, l’amitié infiniment partagée avec l’homme de lettres Pietro Giordani, celles avec l’historien Antonio Ranieri, premier éditeur de ses Canti, malgré les nauséabonds détails qu’il divulgua sur la vie de Giacomo après sa mort, avec l’intellectuel toscan Giovan Battista Vieusseux, etc. Puis les lettres aux femmes, à Antonietta Tommasini et sa fille, celles avec Fanny Targioni-Torzzetti - qui lui inspira le sensuel premier $ d’« Aspasie » (Canti). De toute cette correspondance, qu’on imagine rédigée aux heures d’insomnies, ne ressort pas seulement son pessimisme actif, son matérialisme et son désespoir, mais une extrême lucidité, « blessure la plus proche du soleil » dira Char, dans laquelle se forme l’idée que « pour nous consoler de cette inévitable infélicité (des hommes) il me semble que l’emportent sur toutes autres choses les études du beau, les sentiments, les imaginations, les illusions » (…) (à Giordani, 1828). Et cela jusqu’au rire de Démocrite qu’il conseille à son même ami comme remède contre la mélancolie. La littérature sera, pour lui, ce qui doit accueillir la part de « souffrance qui dérive de la nullité des choses, la seule qui soit vraie et juste ». Rimbaud en partira à Harrar, Giacomo, lui, va en mourir à Naples, sauvé en somme par « la nuit talismanique qui brillait dans son cercle » (Char).

Correspondance
générale

(1807-1837)
Giacomo
Leopardi
Traduit de l’italien par Monique
Baccelli
Introduction
d’Antonio Prete
Éditions Allia
2318 pages, 40

Poste de nuit Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°88 , novembre 2007.
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