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Poches Le chant du cygne

janvier 2008 | Le Matricule des Anges n°89 | par Françoise Monfort

Trois nouvelles de Césare Pavese (1908-1950) d’où il ressort que l’homme éprouvait bien des difficultés à exercer « le métier de vivre ».

Avant que le coq chante

Tout est boue, sauf l’artiste consciencieux », affirmait Pavese dans son journal, Le Métier de vivre, retrouvé par ses amis après son suicide. Pour expliquer son geste faute de le comprendre, on invoqua ses amours malheureuses avec une jeune actrice américaine, ses désillusions politiques et sa rupture progressive avec le PC italien lui reprochant son dernier livre qui lui avait valu de remporter le plus prestigieux des prix littéraires italiens. Le malaise était plus profondément ancré. Une forme de renoncement transpire dans son écriture, résonne parfois pesamment, comme un glas de rappel à travers le monologue intérieur de ses personnages. Ainsi Stefano dans « La prison », l’une des trois nouvelles qui composent ce recueil. Il vient de quitter sa cellule pour la résidence surveillée dans un petit village côtier du sud de l’Italie. « Stefano se demanda avec un demi-sourire ce qu’il pouvait bien y avoir d’essentiel dans un ciel, dans un visage humain, dans une route qui se perd parmi les oliviers pour que le sang des prisonniers se cognât avec un tel désir contre les barreaux ». Arrivé menottes aux poings sur le quai de la gare en été, il trouve un réconfort dans la fréquentation de certains villageois et dans la mer. Omniprésente, Stefano assiste à sa métamorphose au fil des saisons jusqu’à la voir revêtir le gris opaque et hostile des murs de son ancienne cellule que l’exilé finit par assimiler au monde dans une lâcheté mal assumée. Arrive Noël, le moment où ses compagnons de bistro s’offrent, comme chaque année, une fille que le garagiste charge dans sa voiture et le tailleur cache dans son arrière-boutique durant deux jours. Lieux reculés, mœurs frustes, on y condamne encore pour stupre, le statut des femmes n’y dépasse guère celui d’une chèvre. Doublement prisonnier, claquemuré dans un Moi contemplatif et hypertrophié, Stefano observe, ratiocine, laissant peu d’occasion d’empathie au lecteur en dépit de la tristesse de son sort.
On sait que Pavese, homme du Nord et antifasciste, connut lui aussi l’exil en 1935. On l’envoya en Calabre, paysage radicalement différent de son Piémont natal mis en scène dans « La maison des collines » qui s’ouvre avec les bombardements alliés sur Turin en 1943. « Cette espèce de rancune sourde qui avait clos ma jeunesse trouvait en la guerre un repaire et un horizon », remarque Corrado, professeur partagé entre la ville et la campagne où il s’est réfugié. À quelques pas de sa maison, en attendant que leur heure vienne, un groupe antifasciste se réunit, chante, danse, bref, vit. Parmi eux - le hasard - son ancienne maîtresse qui l’a quitté quelques années auparavant et lui reconnaît certes le même égotisme mais pas la paternité de son fils qui porte néanmoins son prénom. Corrado se lie d’amitié avec eux et assiste à leur arrestation tandis que les Alliés progressent vers le Nord plongeant le pays dans un sombre chaos où s’affrontent Allemands, Brigades noires et partisans. Le professeur va aller de cache en cache pour atteindre ses collines qui l’ont vu naître, son seul point d’ancrage affectif.
Elles réapparaissent dans « Par chez nous », premier titre en prose écrit en 1937 qui se distingue des deux autres nouvelles autobiographiques par son style et son contenu. Pavese fut traducteur d’auteurs américains dont Melville, Steinbeck, Faulkner. C’est évidemment à ce dernier que l’on pense en lisant ce récit où se révèle la monstruosité d’un drame familial et rural à travers les yeux d’un taulard tout juste libéré. Égale à elle-même dans ces trois nouvelles, la position de la femme assimilée aux bestiaux de la ferme que l’on peut saigner en cas d’insubordination. Ici, on leur donne le nom de souris comme dans les romans contemporains de la Série Noire auquel le style est indéniablement emprunté. Dans sa préface, Nino Frank demande l’indulgence face à la difficulté que présente la traduction de l’italien patoisant de l’auteur. On lui pardonnera sans doute plus facilement qu’à Pavese pour n’avoir pu, su ou, pire encore, voulu donner à la littérature la chance de le sauver.

Avant que le coq chante
Césare Pavese
Traduit de l’italien par Nino Frank
Gallimard,
« L’Imaginaire »
403 pages, 11

Le chant du cygne Par Françoise Monfort
Le Matricule des Anges n°89 , janvier 2008.
LMDA PDF n°89
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