Romain Anselme, fort de ses « onze ans moins des poussières », jouit d’insondables facultés d’affabulation. Il dirige avec maestria un petit théâtre imaginaire sur les planches duquel défilent, pêle-mêle, Caliméro, Costa-Gavras, Fifi Brindacier, sir Carol Reed, Charlot, Diabolo, Marlon Brando, etc. Le mardi 6 février 1973, alors qu’un incendie vient tout juste de ravager son collège, le CES Édouard-Pailleron, Romain fugue et, muni d’un volume des aventures de Tintin et d’une Canon DS-8, se cache dans le lot 62 d’un immeuble adjacent. Trois jours s’écoulent… Finalement, Romain sort de son terrier pour se rendre au commissariat où s’engagera un premier interrogatoire ponctué par la dénonciation d’un pyromane fictif : un « certain Manuel Kant », l’auteur de la « Métapsychique des peurs ». Enfant-symptôme d’une génération contestataire et laxiste, Romain échafaude des scénarios au hasard des manquements et des lubies d’un univers familial atypique. Entre une sœur nubile férue de Polnareff et de Janis Joplin, un père cinéphile et une mère militante, ce diariste en culottes courtes se meut en concentré explosif d’une époque prête à imploser : les années 70.
Pourtant, à l’instar du Théoriste, récit narrant les vicissitudes d’un enfant-cobaye aux prises avec les obsessions expérimentales paternelles, le nouveau livre d’Yves Pagès ne relève pas du roman dit strictement réaliste. Composé de faux - à savoir, fausse table des matières, faux erratum, index, notes, illustrations, glossaire, bibliographie, postface et chapitre zéro - Le Soi-disant est une œuvre originale oscillant entre vraisemblance et invraisemblance. Une folle logorrhée dans l’imbroglio de laquelle la verve et la malice de Romain sont servies par une langue qu’ébranlent d’alertes escarmouches entre humour, licence et ironie.
Le Soi-disant d’Yves Pagès
Verticales, 293 pages, 18,90 €
Domaine français Le feu follet
mars 2008 | Le Matricule des Anges n°91
| par
Jérôme Goude
Un livre
Le feu follet
Par
Jérôme Goude
Le Matricule des Anges n°91
, mars 2008.