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Domaine étranger Traces muettes

juin 2008 | Le Matricule des Anges n°94 | par Lucie Clair

En une série de tableaux composés à partir d’extraits de notes d’entretiens, Hanna Krall saisit les traits saillants de destins convulsés par l’Histoire.

Dédiée au témoignage des survivants de la Shoah, l’œuvre de Hanna Krall a réuni en plusieurs volumes les paroles interdites, les personnages impossibles - à imaginer comme à oublier. Animée par cette quête de vérité et de compréhension de ce qui fait l’authenticité de l’homme dans les circonstances les plus extrêmes, elle a écouté les récits parfois rognés par la souffrance demeurée trop longtemps silencieuse, parfois travestis - jusqu’à ce que le déguisement devienne trop lourd à porter, se disloque et s’affale aux pieds de l’orateur. De ces rencontres, Tu es donc Daniel rassemble les traces comme autant d’éclats de lumière jetés d’un miroir face au soleil. Différent de ses précédents opus, renonçant à la narration et ses péripéties et à l’interview formel, l’ouvrage est construit d’éclairages successifs et changeants, empruntant au cinéma ses plans de coupe et mouvements tournants de caméra - élargissant le champ, et nos perspectives dans le même élan. Perspective historique, incarnée par la réaction de son éditrice allemande « enfant de la génération révoltée de soixante-huit » en contrepoint de sa visite au « baron », ancien commandant de la Wehrmacht ayant présidé au massacre de Dubno. « Il le raconte en n’employant que les mots indispensables. Il ne veut pas de question. Il voudrait quitter enfin Dubno et aller dîner tranquillement. » Tête à tête troublant entre le vieil homme, amputé et châtelain et la jeune polonaise qui n’a « encore jamais parlé avec des Allemands qui ont fait la guerre » et confond SS et soldat.
Perspective subjective, par l’alternance des points de vue d’un même événement - et soudain ce n’est plus seulement ce qui s’est passé qui compte mais toutes les nuances de comment ce fut vécu. Pour chacun, Hanna Krall restitue les profondes subtilités des émotions et des pensées qui s’opèrent secrètement lors de ces rencontres, en elle comme en son interlocuteur, et, par de petits détails d’une rare empathie, ramène les signes des mots qui ne peuvent voir le jour, éparpillés dans la confusion d’une mémoire trahie par trop de perte - ou cachés par d’autres en guirlande de discours : « j’ai décidé de survivre. C’est beaucoup d’effort, une telle décision, alors s’il vous plaît ne me dérangez pas avec vos larmes et votre tristesse. »
Tu es donc Daniel - parole tirée d’un poème de Daniel Vogelman « Cinq apostrophes à la petite Sissel » - ne dévoile pas les circonstances ni les détails des drames. Sa force réside dans l’alliance de pudeur et de volonté d’aller au cœur de leur vérité. Celle de la multitude de personnages, chacun survivant avec ses procédés - telle l’inconnue exilée qui lui écrit de la banlieue de Boston des nouvelles de son fils autiste pour ne pas avoir à parler de la Pologne - et avec ses refus d’oublier les disparus, telle la famille de qui ne peut plus donner naissance pendant plusieurs générations qu’à des garçons depuis que la première enfant, Sissel, est restée à Auschwitz. Celle aussi de l’observatrice qu’elle est, mais sans éprouver « de la compassion pour les assassins », fidèle et traversée de tristesse autant que d’amour pour l’humanité - car, dans la lignée des tsaddikim et de Mendel de Kotz « rien n’est plus entier d’un cœur brisé juif ».
Au service de son exigence, la langue poétique soutenue par des textes courts, vignettes plutôt que nouvelles, créent les conditions d’où jaillissent les passions humaines, terrifiantes ou incongrues, sans artifice.Traduite en français depuis 1994 par Margot Carlier, Hanna Krall sera l’invitée des Belles étrangères en automne 2008.

Tu es donc
Daniel

Hanna Krall
Traduit du polonais par Margot Carlier
Éditions
Interférences
112 pages, 13

Traces muettes Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°94 , juin 2008.
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