Peu d’écrivains effectuent de travaux vraiment physiques pour survivre, aujourd’hui, en France. Thierry Metz (1956-1997) alternait travail de manœuvre et périodes de chômage. Né à Paris, il s’installe à 21 ans à Agen avec sa famille. La revue Résurrection (titre prémonitoire) accueillera ses premiers textes. Son œuvre dépouillée, lumineuse, grave (songeons à son Journal de manœuvre) évoque un rapport délicat au monde, aux manifestations de la nature, aux sentiments amoureux. Ébranlé par un drame familial, il sera interné. Un an plus tard, celui qui affirmait « Je dois tuer quelqu’un en moi, même si je ne sais pas trop comment m’y prendre » passera à l’acte. Quelques semaines avant sa disparition, il composa les poèmes de Tout ce pourquoi est de sel, fruit de ses pérégrinations dans l’atelier du peintre Marc Feld. Une dizaine de poèmes, proches du haïku, annotent, questionnent, entrent parfois en vibration avec quarante-cinq toiles. Celles-ci, abstraites, présentent des séries de travaux assez différents. Des ensembles de traces éparses laissent place à des hiéroglyphes insensés, des toisons, griffures-giclures sur papiers froissés. Les couleurs terre, lies de vins, Ténèbres apparaissent hachées, surlignées de traits fugaces. Autour de ces matières, ces éléments métaboliques, le poète se cherche, se perd, donne le change en poursuivant d’improbables signalétiques, rattrapant quelques créatures oniriques. Parle d’œil incendié, évoque une chambre, un enfant y gît. « Peut-être ne sommes-nous conviés qu’à de blancs apprentissages/ Brièvement. » Rencontre émouvante, quête pour un peu plus de lumière.
Tout ce pourquoi est de sel de Thierry Metz et Marc Feld, Pleine page, 112 pages, 16 €
Poésie Encres tissées
septembre 2008 | Le Matricule des Anges n°96
| par
Dominique Aussenac
Un livre
Encres tissées
Par
Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°96
, septembre 2008.