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Domaine français Narcisse inversé

septembre 2008 | Le Matricule des Anges n°96 | par Richard Blin

Comment rester celui qu’on a été tout en cherchant à devenir les autres ? Ou comment Laurent Nunez est devenu écrivain.

Après avoir consacré un essai aux écrivains qui médisent de l’écriture, à ceux que Paulhan appelait les Terroristes (Les Écrivains contre l’écriture, José Corti - voir Lmda N°75) - et montré combien cette Terreur contrôlée et gérée, pouvait être l’un des plus puissants moteurs de la littérature, Laurent Nunez ne pouvait mieux parapher sa démonstration qu’en nous proposant un roman, son premier, à 30 ans. Ne serait-ce que pour prouver que, malgré tout, la littérature se porte bien et a encore de beaux jours devant elle. C’est l’autobiographie d’un jeune homme d’aujourd’hui, l’histoire de Laurent qui a quitté sa ville natale, Orléans, à cause d’une fille et qui quitte l’Espagne puis Paris à cause d’un garçon, pour revenir à Orléans. Un jeune homme qui n’arrive pas à aimer, se débat avec « le dégoûtant petit besoin d’être aimé », ne comprend rien aux labyrinthes de la casuistique amoureuse et qui, voulant écrire décide de relater les épisodes les plus marquants d’une vie secrètement aimantée par ce désir d’écriture.
Roman éminemment proustien, hanté par l’expérience traumatisante de la dépossession (omniprésente, l’ombre de Jacques Borel), par le problème de la sincérité - les rôles que jouent les gens, les masques -, et par la recherche d’une tierce voie entre le taire et le dire. Mais derrière la relecture-écriture de ce qui fut, Les Récidivistes est le récit de la progressive prise de conscience de ce que le narrateur doit écrire - et comment il doit l’écrire. Une manière de Temps retrouvé, de mise an perspective, et en corrélation, d’un étoilement de circonstances et de figures, d’épreuves et de rencontres, dont les croisements et les rappels font de la vie ainsi relue l’équivalent d’une sorte de texte.
Mais quelle voix choisir ? Quel ton pour dire le temps quand il ne passe pas, la soif terrible des rencontres, les souvenirs dont on ne se souvient pas, les mensonges ou l’insistance des affects ? Comment accéder à cette forme d’expérience littéraire qui consiste à « se dévêtir jusqu’à n’être plus rien, jusqu’à ne plus avoir de vie que celles des autres - et encore, décousues, improbables, échouées » ?
En disant tout, décrète le narrateur. En reprenant, altérant, imitant. « (…). C’est la réalisation totale de l’alter ego - oxymore délicieux. C’est Narcisse inversé ».
Alors, la fin justifiant les moyens - et parce qu’écrire c’est relier, parce que la littérature « ne reproduit pas le monde » mais est « un monde à soi », Laurent Nunez a choisi d’altérer d’autres écrivains, ceux qu’il aime - Quignard, Duras, Proust, Borel, Genet. Empruntant leur voix - « Le masque d’encre qu’on porte comme au théâtre - la persona - est toujours sincère, puisque c’est le masque qu’entre mille on a choisi » -, il les oblige à parler dans ses écrits, à s’insinuer dans ses propos. C’est que l’écriture n’est que reprise, que la littérature ne fait que redire, mais à la façon de la spirale, en se répétant sans se rejoindre, en faisant sans refaire : « elle se récrit sans réécrire ».
Ne sachant que trop combien tout écrivain se pastiche - « car l’absence de pastiche impliquerait une trop grande variété de ton à l’intérieur de ses ouvrages » -, et bien conscient du fait que personne ne répète (Proust ou Millet imitant Saint-Simon font du Proust ou du Millet), Laurent Nunez en fait le socle de son envol littéraire. « Nul n’est si doué ni si impersonnel qu’il réussisse à reproduire très fidèlement le style d’un autre sans y mettre surtout du sien : et c’est dans cet échec mimétique que se tient joyeusement la littérature. »
L’important n’étant pas d’inaugurer mais d’exceller (Caillois), force est de reconnaître que Laurent Nunez maîtrise brillamment la matière de son premier roman, parvenant à donner aux événements d’une vie un sens original, et à son entrée en littérature un éclat certain.

Les Récidivistes de Laurent Nunez
Champ Vallon, 480 pages, 24

Narcisse inversé Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°96 , septembre 2008.
LMDA papier n°96
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