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Histoire littéraire Un Allemand à Paris

janvier 2009 | Le Matricule des Anges n°99 | par Thierry Cecille

Observateur sagace et sarcastique, Heinrich Heine autopsie la France de Louis-Philippe : douillettement bourgeoise mais déjà menacée par les classes laborieuses donc dangereuses.

Lutèce : Lettres sur la vie politique, artistique et sociale de la France

Ici règne actuellement le plus grand calme. Tout est silencieux comme dans une nuit d’hiver enveloppée de neige. Rien qu’un petit bruit mystérieux et monotone, comme des gouttes qui tombent. Ce sont les rentes des capitaux, tombant sans cesse, goutte à goutte, dans les coffres-forts des capitalistes, et les faisant presque déborder. (…) De temps en temps, il se mêle à ce sourd clapotement quelque sanglot poussé à voix basse, le sanglot de l’indigence. Parfois aussi résonne un léger cliquetis, comme d’un couteau que l’on aiguise. » Nous ne sommes pas dans l’actuelle Europe néo-libérale mais dans la France de Louis-Philippe, en décembre 1842 : il faudra encore attendre 1848 pour qu’une révolution - éphémère cependant, vite récupérée par la bourgeoisie qui appellera à son secours Napoléon III - voie l’indigence se soulever et les couteaux jouer.
Depuis déjà quelques années, Heinrich Heine demeure à Paris et chronique, dans ces lettres pour la lointaine et provinciale Gazette d’Augsburg, la vie parisienne, sous toutes ses faces. Il sera le seul Allemand que Nietzsche, méprisant ses compatriotes, admirera toujours : c’est qu’il a délaissé sa nature « tudesque » pour un « esprit français, dont tous (ses) livres sont entachés » ! C’est en se traduisant lui-même dans notre langue qu’il a élaboré, peu avant sa mort en 1856, l’édition de ces lettres, restituant des textes que la censure - voire parfois l’autocensure - avait quelque peu endommagés. Il voulait en effet être un « contrebandier journaliste », et composer ainsi, par prises de vue successives, un « livre d’histoire daguerréotype ». Flâneur baudelairien, amateur des passages dans lesquels Walter Benjamin suivra sa trace, il ne laisse rien lui échapper : nous découvrons les concerts de Chopin, qu’il admire, la première pièce de Sand, qui est un échec, la mythomanie « Hugoïste » d’Hugo ou « la mélancolie artificielle, les sottises d’outre-tombe, les pensées de mort affectées » de Chateaubriand. Il s’intéresse aussi bien aux gesticulations nationalistes des différentes cours d’Europe qu’à la « Question d’Orient » (l’Egypte tente de secouer le joug de l’Empire ottoman). Il s’inquiète des massacres antisémites perpétrés par les chrétiens de Damas - alors qu’en France ses congénères juifs se flattent d’une assimilation que M. de Rothschild symbolise à sa manière tapageuse. Mais c’est surtout la situation socio-politique qu’il ausculte : ce régime, pourtant né lui aussi d’une révolution confisquée, a pour seul principe d’assurer « la boutique bourgeoise de l’Etat » - et peu importe alors que le roi préfère Thiers ou Guizot - dont Heine nous offre des portraits satiriques caustiques.
Alors que nombreux sont ceux qui se réjouissent que la France, après l’Angleterre, connaisse enfin la révolution industrielle, il y voit « la misère menaçante des basses classes » et prédit que « cette misère croissante est un vice chronique et même organique que les opérateurs espèrent guérir par des saignées ; mais le sang répandu ne fera qu’empirer le mal. » En bas, tout en bas, « les légions sinistres, les titans troglodytes aux aguets dans les couches infimes de la société » préparent, pense-t-il, « un épilogue intitulé le Règne des communistes ». Ils l’effraient - mais il les admire aussi : ils vont tout détruire, sans doute, mais il ne peut que s’écrier, en définitive, avec « un désespoir généreux » : « Elle est depuis longtemps jugée, condamnée, cette vieille société. Que justice se fasse ! »

Lutèce Lettres sur la vie politique, artistique et sociale de la France de Henrich Heine, La Fabrique, 477 pages, 25

Un Allemand à Paris Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°99 , janvier 2009.
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