En fait, je viens de voir dans un magazine les tableaux d’un type soupçonné d’avoir séquestré et torturé à mort trois prostituées. Des tableaux laids, représentant des femmes nues attachées, de vraiment très pénibles croûtes d’amateur éméché, comme on en voit sur les marchés aux puces, mais voilà, ce type est présumé tortureur en série, alors les médias publient son œuvre en pleines pages. J’en parle parce que c’est symptomatique de l’air du temps. Qu’on soit artiste plasticien, romancier, dramaturge, metteur en scène, cinéaste, acteur, à moins d’être bouché total, on sent bien que notre art, pour le commun des mortels, est en train de devenir synonyme de scoop tape-à-l’œil. Du produit choc, à consommer sans tarder, sur place ou à vite emporter. Des consommables qui pour exister doivent capter les médias, attirer les foules, plaire, faire rire, ou effrayer, voire choquer, en tout cas donner aux gens quelque chose d’immédiatement assimilable, dont les critères d’appréciation préexistent. Voilà à quoi en est réduit l’art, sous toutes ses formes, pour le grand public : de la marchandise rentable. Il n’y a qu’à voir dans les librairies, ces étalages de best-sellers écrits dans le pur style rédaction scolaire par des personnalités connues pour de toutes autres raisons que littéraires, ex-présentateurs vedettes, anciens détenus, futurs candidats, chanteurs miraculés, rescapées d’attentats, compères de tueurs, nièces de victimes, etc. Et pareil pour le théâtre, envahi par toujours ces mêmes cabots vus et revus à la télé, dans des sketches délayés, pour un public conquis d’avance. Et déjà presque pareil pour le cinéma, avec la profusion de biographies filmées, ou de scénarios estampillés « histoire vraie », cette lourdeur (hier un ministre se vantait même à la radio d’aimer rencontrer de « vrais gens ». Pourquoi, il y en a des faux ?). Dans ce monde d’aujourd’hui, dans la seule et unique officielle et légale version du monde certifiée sans alternative, dans l’enfer effréné de cette machine libérale décomplexée qui a tout
Des plans sur la moquette Velours souterrains
février 2009 | Le Matricule des Anges n°100
| par
Jacques Serena
Velours souterrains
Par
Jacques Serena
Le Matricule des Anges n°100
, février 2009.