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Domaine français Enfer rouillé

février 2009 | Le Matricule des Anges n°100 | par Jean Laurenti

Une plongée au cœur de la France des Trente (peu) Glorieuses : celle des laissés pour compte et des décharges. Richard Morgiève trempe avec allégresse sa plume dans le cambouis.

En ouvrant un livre de Richard Morgiève le lecteur peut être certain qu’il va être embarqué dans une drôle d’histoire, qu’il va côtoyer des personnages peu reluisants et ne tardera pas à s’attacher à eux. Des types qui par nécessité transgressent les règles de la morale et bricolent autour des marges de la société. Après nous avoir invités dans Miracles et Légendes de mon pays en guerre à partager le quotidien d’un proxénète et de son petit personnel pendant l’Occupation, le romancier nous transporte dans la France profonde de 1960.
Le livre est ici encore porté par un couple à la fois pathétique et loufoque formé par un père et son fils. Couple sur lequel plane l’absence douloureuse de la mère, Myriam, depuis longtemps enfuie. Il ne reste d’elle qu’une rage triste dans le cœur du fils et un tatouage amoureux sur la peau du père qui voisine avec le numéro de matricule rapporté d’un camp nazi. « Il a réchappé aux fours, pas à la poisse », déplore le fils. Ils s’appellent Cheval, patronyme singulier le plus souvent décliné au pluriel. Le fils, qui assume la fonction de narrateur (comme souvent dans les romans de Morgiève) refuse qu’on fasse usage de son prénom, Philippe. Mais pas à cause du Maréchal, qui colonise encore les consciences : « (…) je m’en tape de Pétain. Il y a cheval dans Philippe ? Oui cheval en grec ou en japonais je sais plus. (…) Cheval partout où que je me tourne c’est cheval. » Les Cheval sont forains depuis 1897, date à laquelle leur aïeul a inventé « le piston-soufflet » sans quoi, selon le père, « il y aurait pas de manège qui vaille de par le monde ». Mais la vie et les affaires des Cheval, duo famélique et pitoyable, prennent l’eau de toute part. À Saint-Ambert où ils vivent, commune d’un arrière-pays qui fleure bon la France rance, ils sont la risée de la population et il leur arrive d’être martyrisés par deux militants de l’Algérie française à cause de leurs figures un peu trop basanées.

Un couple pathétique et loufoque.

Entre deux tournées ils vivotent, grâce à des petites magouilles, dans la propriété familiale en ruine joliment nommée « Les quatre saisons ». Réfugiés dans la grange, entourés de véhicules délabrés et de monceaux de pièces mécaniques, ils subissent les effluves nauséabonds de la décharge municipale installée pour leur nuire. Le fils Cheval, adolescent tourmenté par une puberté chaotique, affublé d’un physique peu avantageux, doit supporter - en plus de celle inhérente à sa condition de pauvre - une misère sexuelle qui le désespère. Une pendaison ratée l’aidera à passer à l’offensive. À renaître : « Cet arbre est le ventre de ma mère, ce matin j’en suis sorti, ma joie est violente, ça me courbe, j’ai mal au ventre, ça m’étouffe j’enlace l’arbre, je l’appelle maman que personne ne le dise, je crois que je le tuerai. »
Le salut passera par le fer : quelque temps auparavant le fils Cheval a appris à forger auprès d’un maître et il est devenu un virtuose en la matière. Le ferrailleur gitan Matelo Drom avec qui les Cheval sont en affaire découvre le génie du gamin et décide d’acheter ses services. Ce démiurge baroque qui semble sorti d’un film d’Emir Kusturica règne sur un empire de carcasses et de pièces détachées. Parmi sa pléthorique progéniture figure une adolescente que le Gitan décide de lui donner pour épouse. Impossible de refuser. « Tu as connu la femme ?/ Non./ Réserve-toi pour ma fille./ D’accord. »
Avant ça, les Cheval repartiront une dernière fois sur les routes avec leur étrange attelage, montant et démontant le manège qui bientôt cessera de tourner. Sur la mauvaise place qu’on leur a attribuée dans une foire, le fils Cheval observe son père à l’ouvrage sous le cagnard : « Sur la peau de papa la sueur coule sur le nom de maman et sur son numéro de camp, ça le dérange pas (…), c’est le genre d’homme à ne jamais renâcler (…). » Un bon cheval, en somme.

Cheval
Richard Morgiève
Denoël, 233 pages, 18

Enfer rouillé Par Jean Laurenti
Le Matricule des Anges n°100 , février 2009.
LMDA PDF n°100
4,00