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Essais Vertiges frontaliers

mars 2009 | Le Matricule des Anges n°101 | par Thierry Guinhut

Alain Nadaud propose un habile jeu entre spiritualités bouddhiques et écriture de la fiction.

Le Passage du col

Dans notre imaginaire le Tibet oscille entre l’actualité politique, des paysages époustouflants et une religiosité intense. Si Alain Nadaud n’avait fait que réunir ces trois instances, il aurait déjà bien réussi son roman. Mieux encore, il ajoute à ce roman d’aventures entraînant une analyse de la collusion entre la psyché et l’écriture tout à fait pertinente.
Cela commence comme un simple récit de voyage, en toute modestie donc. Un écrivain, peut-être en mal d’inspiration, franchit les gorges de l’Himalaya à bord de véhicules brinquebalant sur des pistes en devers et en surplomb. Jusqu’à ce que, bloqué par un éboulement titanesque, il doive accepter l’hospitalité de deux lamas dont la sagesse lui sera bénéfique. En contrepartie, il devra rendre compte de son expérience et ainsi rendre justice à ce Tibet opprimé. La marche, aussi belle qu’épuisante, purificatrice, passe par le col, lieu de transition symbolique. Grâce à la méditation en un pauvre monastère il parvient à une révélation : les rêves sont des traces dispersées depuis nos vies antérieures… Bientôt, il ne connaît plus guère la frontière entre réalité et fiction, entre vie vécue et vie écrite. C’est ainsi que le roman autobiographique et poétique devient un roman d’initiation.
Ces vies rêvées ne sont que des fictions.

Que sont ces vies antérieures ? L’écrivain - et le lecteur avec lui - a la surprise de bientôt constater qu’il s’agit de réminiscences de ses précédents romans, mais aussi ceux d’Alain Nadaud lui-même. Est-ce une façon de dire que nos vies antérieures sont à la source de nos créations qui n’en sont que des répétitions ? Ou s’agit-il de l’ironie d’un moraliste qui ne croit guère en ces fictions religieuses ou - appelons les autrement - ces superstitions… Parmi ces vies, le voilà « pêcheur à Délos » subjugué par « l’homéride », « légionnaire romain » mourant, moine copiste qui se découvre écrivain, ou archéologue. C’est donc à la découverte de son inexplicable destinée d’écrivain, depuis son enfance, que ce voyage conduit. Mais ce « passage du col » est aussi celui de l’utérus maternel par lequel retrouver ses origines, ses vies antérieures et leurs dangers. Danger également en cette lamasserie perdue où les soldats chinois viennent imposer leurs campagnes de rééducation socialiste et vexatoires, où l’écrivain est découvert par une furieuse et néanmoins désirable soldate… Lors de ces échappées paysagères et spirituelles, on pense aux poèmes de Victor Segalen, et surtout à celui en prose du même nom : « Le passage du col », dans le recueil Equipée, ensemble de mouvements voyageurs et mentaux au travers du continent chinois et jusqu’au Tibet.
Trop souvent, le Tibet et le bouddhisme donnent lieu à des spiritualités de bazar. Sans compter que le mythe des vies antérieures et des réincarnations, « trop beau pour être vrai » n’est probablement qu’une « religiosité de pacotille », une faribole consolatoire à l’usage de ceux qu’une vie de peines ne remplit pas de satisfaction. Ce que dénonce l’écrivain, y compris devant le lama qui alors devient son guide vers une méditation plus fine entre « voie de l’éveil » et « voie de l’endormissement ». Le voyage vers cet au-delà, ou plutôt en-deçà, tel que présenté par Nadaud, a le mérite de proposer une distance critique, en ramenant ces vies rêvées à ce qu’elles sont : des fictions. L’écrivain apprendra pourtant à retrouver confiance en son art et en sa nécessité. Ainsi, une réelle logique relie ses périples, montagnards et intérieurs, sa culture de l’antiquité et des mythes avec les étapes d’une écriture particulièrement évocatrice et qui n’oublie pas d’être un espace de liberté contre les oppressions, qu’elles soient chinoises ou religieuses. En cet horizon de sommets et de miroirs, Alain Nadaud se montre finalement borgésien.

Le Passage du col d’Alain Nadaud
Albin Michel, 324 pages, 19

Vertiges frontaliers Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°101 , mars 2009.
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