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Poésie La luge de Fourcade

mars 2009 | Le Matricule des Anges n°101 | par Emmanuel Laugier

Citizen Do s’apparente à un testament poétique dans lequel les horizons du tutoiement, de Poussin à Char, forment la matière même des raisons d’écrire….

Les cinq parties qui composent Citizen Do, dont le « Post-scriptum » lui-même, s’entrecroisent en un savant jeu d’aller-retour dont, petit à petit, nous découvrons, les sujets. Du « Char », écrit d’abord solitaire où se déplient l’amitié et le lien poétique que Dominique Fourcade eut avec l’auteur de Fureur et mystère, au dernier poème isolé « Chanson pour moi », en passant par l’étrange « Élevage d’oies sur la mer » et les « Chansons et systèmes pour Saskia », c’est un seul et même long poème de l’enfance qui se joue ici. Enfance perdue, jouée, reconnue, et relancée dans le poème de Fourcade comme si celui-ci devenait une véritable luge de mots. Il n’est d’ailleurs pas anodin que Fourcade ait titré en hommage au Citizen Kane d’Orson Welles son nouveau livre, partageant avec Kane cette façon « grave » d’habiter la solitude, ainsi que le dernier souvenir, avant destruction, d’une luge d’enfance. À l’exception près que Fourcade inverse le destin de Kane, transformant sa faiblesse et son désespoir, en force d’enfantement, éloignant d’emblée la puissance de ressentiment et du nihilisme. Face à la folie, spectre d’ « une électricité effroyable », la comptine apparaît comme la mélodie la plus adorable, celle qui rassure à défaut de nous protéger. Elle éloigne les monstres, et Fourcade tresse entre chaque partie de son livre son « système d’échos intégrés ».
Citizen Do, dans un réglage subtil, est aussi une avancée par étape dont les bonds syntaxiques, en prose comme en vers, décontenancent la phrase, la faisant sortir de ses ornières. Le programme est dit dès les premières pages : « j’ai tout de suite transposé le potentiel d’un muscle cinématisé aux usages de ma page, au risque de perdre la commande. C’est très beau, ça passe par les moignons à la cicatrice, mon métier est de voir nu ». Tout commence et tout arrive à partir de ce membre fantôme. Il est la marque du manque, de l’absence, de la coupure, celle de la fin de l’innocence, la possibilité de la torture et celle du meurtre. Face à cela, le citoyen (citizen) Do(minique), le poète Dominique Fourcade, sans héroïsme aucun, fait l’épreuve qu’il n’y a pas d’écriture sans confrontation à son époque. Si tous ses livres n’ont jamais cessé de la sonder, cette situation se vérifie pourtant de n’importe où et à partir de toutes circonstances, depuis les paysages de Poussin, par exemple, qui amorcent le livre, à « Char » ou Saskia, écho indirect à la première femme de Rembrandt. Une véritable « matière de l’interlocuteur » (Du Bouchet) s’ouvre, celle-ci étant le seul lien que l’on puisse imaginer entre chaque partie : ainsi « se rassemblent et se balancent en onde les échos épars » que furent les occasions d’écriture. De Poussin, Fourcade peut alors écrire qu’il s’adresse à lui « sur le mode du présent et de l’actuel », que son « paysagesque, ou le paysagique » constitue sa condition. De Char, suivant le « reportage de la honte et du désastre » des Feuillets d’Hypnos, qu’il permit à la poésie de se concevoir à nouveau : « un bleu cobalt dans la nuit » talismanique lui ayant donné littéralement les armes de sa vocation de poète. Et dans les « Chansons et systèmes pour Saskia » ceci encore, comme chuchoté : « tu es dans un pick-up de framboises et de pluie/avec amorces sous les ongles ». Sans chercher le raccord, on se dira que la question qui réunit chacune des parties de ce livre est celle, intempestive, de savoir comment loger un bloc de vie résistant comme un quartz, là où tout cherche à l’arraisonner et à la détruire. Façon encore, centrale à Citizen Do, de cabrer l’écriture et de faire un pied de nez au désastre, avec, malgré tout (on ne peut tout avoir) « un silencieux contre la tempe ».

Citizen Do de Dominique Fourcade
P. O. L, 109 pages, 16

La luge de Fourcade Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°101 , mars 2009.
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