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Égarés, oubliés Un surréaliste natif

mai 2009 | Le Matricule des Anges n°103 | par Éric Dussert

Syndicaliste révolutionnaire et ami de Simone Weil, Jean Duperray fut le romancier noueux du fait divers et de l’énergie populaire.

Mines, Manufacture d’armes et club de foot ont fait l’essentiel de la notoriété de Saint-Etienne au siècle dernier. Le replet Catalogue de la Manu et les terrils désormais verdis ont même failli masquer une part non négligeable de la vie stéphanoise : la littérature. Avec Marc Stéphane (1870-1944) et Henri Simon Faure (né en 1923) en effet, le chef-lieu de la Loire a offert à la littérature du XXe deux auteurs fondamentaux - la nation éblouie finira par s’en apercevoir. Sans compter un troisième oiseau, vif de vif, original, productif, engagé et dense comme savent l’être les gars de la Loire : Jean Duperray.
À Saint-Etienne, personne n’a oublié cette figure magistrale, de même que tout le monde y sait qui est Henri Simon Faure. On est fiers de ces deux-là. À Lyon, quarante kilomètres plus à l’Est, l’audience de Duperray s’est développée dans le courant des années 1970 grâce aux efforts d’Alain Degange (+ 2003), l’ami de Dominique Poncet. Et finalement, on agite son nom à Paris depuis quelques mois. F. J. Ossang l’a lu en public et Pierre Senges, qui manque le revêtir de la bure d’un Arno Schmidt à la française - ce qui paraîtrait tout de même gonflé - le compare à Gadda. C’est gagné.
Aussi loin que l’on puisse remonter, il semble que le nom de Jean Duperray apparaisse dès 1936 dans les Feuilles libres de la Quinzaine aux côtés du philosophe Alain dont l’aura est alors à son acmé. Né à Coutouvre (Loire toujours), le 9 avril 1910, le jeune homme, fils d’un instituteur et d’une couturière, est un digne enfant de la Sociale, un hussard noir (et rouge) de la République, un homme conscient. Parti pour suivre le modèle paternel, il découvre auprès d’un militant communiste, Albert Dolmazon, la littérature révolutionnaire et s’encarte à l’Union générale des étudiants. Au début des années trente, il est nommé instituteur à La Talaudière - un de ces territoires de charbon dont Jacques Chauviré (1915-2005) a dit la terrible tristesse -, et, rejoignant La Révolution prolétarienne de Pierre Monatte, s’engage dans le combat syndical.
L’œuvre de ce spécialiste de Fantômas
intéressa Breton.

C’est dans ce cadre qu’il rencontre la philosophe Simone Weil (1909-1943), alors professeur à Roanne. De 1933 à 1936, il la côtoie de près et partage avec elle bons moments (bals et cafés) et épisodes de lutte, dont de houleux meetings. L’hommage ému qu’il rendra trente ans plus tard à cette femme majestueuse sonne avec une telle justesse, une telle humanité, une telle sensibilité qu’il restera probablement comme l’un de ses chefs-d’œuvre. Sa prochaine réédition chez Mille et une nuits en convaincra aisément, de même que la nouvelle édition de ses Harengs frits au sang (Gallimard, 1954, grand prix de l’Humour noir) montrera quel écrivain il était. La publication de ce deuxième roman, tramé sur un fait divers local, avait d’ailleurs attiré l’attention d’André Breton, qui pourrait bien avoir vu en Jean Duperray un frère de Maurice Fourré.
Sur ce point, on pourra débattre sans doute. Il n’en reste pas moins que les fictions de Jean Duperray ne se donnent pas comme des bluettes. Enfants d’un homme de combat, antifasciste, soldat de la bataille des Flandres, résistant, refondateur du Syndicat national des Instituteurs et patron de la Fédération de l’éducation nationale pour la Loire, ces écrits sont d’une densité inouïe et d’une langue dont il faut désormais se demander si la matrice n’est pas liée au parler gaga ou stéphanois… Ce qui frappe encore dans sa production romanesque, c’est l’intérêt majeur qu’il porta à la figure de Fantômas, lui consacrant des pages et des pages et échangeant avec son co-créateur Marcel Allain une correspondance passionnante qui mériterait une édition intégrale - 500 lettres tout de même… Là, un soupçon naît : François Koenigstein, originaire de Saint-Chamond (Loire toujours), dit Léon Léger, dit Ravachol, dit aussi le « Rocambole de l’anarchie », n’aurait-il pas été pour quelque chose dans cette passion ? Quoi qu’il en soit, c’est au contact de l’univers de Robert Desnos que se place Jean Duperray avec son Histoire fantastique et merveilleuse de Dora Providence (Club français du Livre, 1951) ou L’Homme qui vit disparaître la Tour Eiffel (La Tour de Feu, 1976). À l’évidence, le syndicaliste révolutionnaire était aussi un surréaliste natif.
En 1965, Jean Duperray prit sa retraite. Ce n’est qu’une façon de parler : il consacra ses loisirs à la poursuite de ses profus travaux de l’esprit, au roman populaire - combien de feuilletons a-t-il dispersé ! -, aux activités de la revue de Pierre Boujut, La Tour de feu, un autre fameux foyer de rebelles. En 1972, des problèmes oculaires entravèrent son travail et ce jusqu’à sa disparition en 1993. Désormais les recherches se poursuivent et, de part ou d’autre, apportent des surprises confondantes. Les révélations ne tarderont plus.

Un surréaliste natif Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°103 , mai 2009.