Cet ouvrage, écrit à hauteur d’enfance, le narrateur est un petit garçon, tient plus du recueil de nouvelles que du roman. Ces tranches de vies qui se recoupent évoquent les stratagèmes que l’enfant met en place pour résister à un monde très hostile et à son immense cruauté. Ruses, mensonges, histoires inventées, courage, rires rythment le texte dont la palette va alternativement du sordide, au terrifiant en passant par le pathétique, le grotesque, le fantastique ou le merveilleux. Un peu comme si un Oliver Twist transformiste pouvait se muer en Tom Sawyer. Excepté que nous ne sommes ni à Londres, ni sur les rives du Mississippi, mais dans une région de la roumaine Transylvanie. L’enfant découvre peu à peu que son père, emmené par des amis, ne reviendra pas. Ces amis s’avèrent être des sbires de la police politique, du temps du jamais cité Ceaucescu. Le père, savant, fils d’un dignitaire du régime a eu la malencontreuse idée ou le courage de signer une pétition contre le régime communiste. Il creuse vraisemblablement un canal menant au Danube.
Le gamin vit seul avec sa mère qu’il tente de protéger, d’aimer. Pour son anniversaire, il confectionne un énorme bouquet de tulipes prélevées dans un jardin public. À un autre moment, il est exploité par des ouvriers qui l’utilisent avec ses camarades de foot comme terrassier. Lui font croire qu’ils connaissent son père, que ce dernier a eu une étrange maladie de peau qui l’a rendu méconnaissable. Ils le lui présentent. Paradoxalement, cet homme monstrueux deviendra son ami et lui montrera sa façon de résister à la folie des hommes. Un des moments les plus forts et les plus poétiques du livre, la découverte dans son taudis de milliers d’oiseaux à qui il a appris à chanter. « Csakany m’a dit tout bas que les oiseaux ne se supportaient pas, et que c’était pour ça qu’ils chantaient, et que cette musique, si magnifique, que nous venions d’entendre, n’était en fait qu’une suite de cris, d’injures, et de menaces, car les oiseaux en réalité se haïssaient… » Le décalage permanent entre l’enfant et le réel donne à ces récits une puissance d’évocation singulière.
LE ROI BLANC
de GYORGY DRAGOMAN
Traduit du hongrois par Joëlle Dufeuilly,
Gallimard, 290 pages, 23,50 €
Domaine étranger Le roi blanc
juin 2009 | Le Matricule des Anges n°104
| par
Dominique Aussenac
Un livre
Le roi blanc
Par
Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°104
, juin 2009.