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Domaine français Éloge de l’errance

juillet 2009 | Le Matricule des Anges n°105 | par Richard Blin

En portant à leur point de magie hasards et résurgences, Patrick Mauriès piste identités poreuses et migrations d’âme.

Troubler les hiérarchies, promouvoir les écritures obliques, privilégier l’amour du raffinement, de l’étrange et du baroque, telles sont quelques-unes des valeurs qui caractérisent l’univers de Patrick Mauriès ainsi que son esthétique d’éditeur. Présentant le « Cabinet des lettrés », une des collections du Promeneur, la maison d’édition qu’il dirige au sein du groupe Gallimard, il définit la société secrète que forment ceux qui aiment ardemment les livres, en disant que « leurs choix (…) ne respectent pas le goût des autres et vont se loger plutôt dans les interstices et les replis, la solitude, les oublis, les confins du temps, les mœurs passionnées, les zones d’ombre. » Cette spécificité, on la retrouve dans Nietzsche à Nice, un récit où Patrick Mauriès évoque les cinq séjours qu’y fit, entre 1883 et 1888, un Nietzsche en quête de sécheresse atmosphérique et d’un endroit qui serait comme « le lieu géométrique de ses désirs ». Une ville où il a peut-être croisé Jean-Marie Guyau, un philosophe artiste comme lui, né en 1854, « une des forces de la pensée française » (D. Halévy), mort prématurément à 34 ans. Fils d’Augustine Tuillerie - qui sous le pseudonyme de G. Bruno publia Le Tour de France par deux enfants -, il est l’auteur, entre autres, de l’Irréligion de l’avenir et de l’Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction que Nietzsche annota, tant elle présente de points communs avec sa propre conception de la morale. Coïncidences, conjonctions, analogies que Patrick Mauriès souligne, sensible qu’il est aux hasards, rencontres et signes autour desquels s’ordonne une destinée.
Cette recherche de l’harmonie dans le disparate, et cette idée de la littérature conçue comme chambre d’échos infinis, chaîne d’affinités et de reprises à travers le temps, semblent bien présider aussi à une idée de l’amour dont Soirs de Paris - troisième volet d’une séquence comprenant Le Vertige et Les Fruits du hasard (Gallimard) - constitueraient le tombeau. C’est dans le deuil d’un amour que ce récit prend sa source, dans les noirceurs fauves des errances nocturnes, quand tout s’est désassemblé et que la réalité se réduit à cet état d’inconsistance de soi qui confine au pur malheur. « Sentiment de vide hypnotique », qui conduit au besoin d’ « arrimer sa vie aux quelques centimètres carrés d’un comptoir ou d’une table, toujours les mêmes, fragile esquif auquel on se rattache ». Et peu à peu, on se lie d’amitié avec d’étranges personnages, on troque les méandres de l’errance pour ceux de la mémoire, on gratte le palimpseste des destinées, on pleure la perte des années 70. On se souvient des « petits théâtres du désir », de Warhol et de sa fascination « pour ce qui, de la gloire comme de la beauté, passe ». De Roland Barthes - « être de frontière sans rien de rebelle » - dont Mauriès a fait sienne la leçon qui consiste à « s’en tenir à sa part d’irrégularité », à en faire « une valeur de vie et de création ». On plonge dans les souvenirs d’un gotha de pacotille, de quelques « Dames de Haute Pédalerie » comme aurait dit Jean Genet, d’êtres quasi mythologiques, « essences de féminité toc, figures flamboyantes d’un opéra perpétuel ».
Kaléidoscope de singularités sur fond de splendeur perdue, c’est l’amour et la vie comme puissance esthétique qu’exaltent - envers et contre tout - ces deux récits en forme de magnifique pied de nez au terrorisme du présent.

Nietzsche à Nice et Soirs de Paris
de Patrick Mauriès, Gallimard, 72 pages
et 10 , chacun

Éloge de l’errance Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°105 , juillet 2009.