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Poésie La turbulence de Sagot Duvauroux

janvier 2010 | Le Matricule des Anges n°109 | par Richard Blin

Une poésie où le feu tremble encore au vocable, où la langue vient d’un bond, où les mots vont nus, à l’image de la sensibilité nomade de son auteur.

Le Vent chaule (suivie de) L’Herbe écrit

Décidément singulière l’écriture de Caroline Sagot Duvauroux, tout en changements de rythmes et de durée, en exploration des lisières de ce qui est. Une écriture qu’anime la visée plus que la cible, le goût de l’étranger et une perméabilité toute particulière à l’essence plastique de la langue. Car à la source du poème toujours il y a, chez elle, une commotion, un ébranlement vital qui suscite des salves de sensations, éveille échos et souvenirs, engendre analogies, conflits de forces et d’effets.
Dans Le Vent chaule et L’Herbe écrit, un livre dédié à toutes ses sœurs « dont certaines sont des hommes », elle fait face à la perte et à la mort, affronte l’expérience nue de cet irrécusable réel qui a nom « mère morte », amour, guerre, enfance. Elle revisite des parentés d’instants, des tracés passionnels à travers une sorte de présence animale à l’immédiat. « Le poème c’est le crissement du papier sous la hache ». Un mélange éperdu de « merveilleux éphémère » de goût de vie, de désastre et de croc. Un « bricolage de langues vocatives », de « boutures d’inaugure », d’images, de peinture et d’écriture échangeant leurs pouvoirs comme leur travail de sens et d’éclat. D’où ces pages où la vie brûle, où le son bondit, où la langue force le parler jusqu’en son fond, l’excède, le fait plier, gémir, dire même ce qu’il ne dit pas. Une manière de restituer au réel sa part terrible ou magique, de créer des déséquilibres dynamiques, de donner à la voix un branle très physique, une cadence nourrie de questions, de lambeaux d’oraison, de bribes de prière, de coulées de scories. Une forme de liturgie verbale célébrant ce dieu barbare et impétueusement oraculaire qu’est le langage.
Reviennent l’enfance, le bleu des yeux d’une vierge d’Antonello de Messine, ce qui fut premier et fondateur comme l’amour et ses rythmes, ses sucs et ses douleurs, ses exigences impérieuses ou déviantes. Sont retraversées épreuves, moments d’initiation, désillusions révélantes. « On se souvient on se remplit tout entier de se souvenir pour couler la bile après l’encre et croire au flot qui nous fit flux ce jour qu’on était si jeune à aimer les récifs qu’on s’y fit fendre l’âme jusqu’au cul. C’est ainsi qu’on était devenu femme, laissant par distraction son sexe d’homme au rocher. Laissant au rocher le soliloque et la stérilité. »
Tout ce qu’écrit Sagot Duvauroux depuis Hourvari dans la lette (2002) relève de cette asymétrie boiteuse, de cette forme d’obscurité qui recèle tout en révélant, de cette intensité qui participe tout autant des grands incendies modernes que de son amour de la peinture. Une écriture qui joue de la violence des appétits, « du jus des là, des doigts poissés d’attente, (…), des passantes qui pissent dans des forêts nuptiales leur gloire débordant à l’encoche du ventre ». C’est qu’il s’agit d’oser, d’ « oser jusqu’à la cendre pour que dit soit dédit jusqu’à dire », que « l’imprononcé tranche le monde », que le sens et les sons se transgressant sans cesse fassent danser la langue.
Écrivant comme on lâche la meute, Caroline Sagot Duvauroux qui a goûté « le sel d’œil jusqu’au miel des corolles » s’attache à « saisir le bestiau dans sa course », ainsi qu’elle le dit dans le dossier que lui consacre le N°24/25 de la revue Faire part. Une façon de faire trembler les limites du signe, de désempâter la syntaxe, de réordonner le pouvoir expressif autour de ce que le vivre peut avoir parfois d’étrangement vertigineux et de révélant. Errements, décentrements, dessinant les figures du désirable comme celles d’un impossible possible. À l’image de l’audace des herbes au bord d’un précipice. « Je m’est un v’herbe ».

Le Vent chaule (suivi de) L’Herbe écrit de Caroline Sagot Duvauroux
José Corti, 192 pages, 17

La turbulence de Sagot Duvauroux Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°109 , janvier 2010.
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