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Histoire littéraire Un voyant considérable

janvier 2010 | Le Matricule des Anges n°109 | par Richard Blin

Panorama exceptionnel des milieux artistiques entre 1903 et 1918, la Correspondance d’Apollinaire rassemble acteurs et éclats épars d’une beauté violente.

Correspondance avec les artistes 1903-1918

Avec près de 130 correspondants (bénéficiant chacun d’une notice documentée) et 950 pages, la Correspondance croisée entre Guillaume Apollinaire et les artistes de son temps dit assez l’extraordinaire effervescence créatrice qui anima le Paris cosmopolite de la Belle Époque. Après une jeunesse itinérante Wilhelm Apollinaire de Kostrowitzky, né à Rome en 1880 d’une mère polonaise et d’un père italien il n’apprendra le français qu’à 7 ans se fixe à Paris. Dès 1903 sa curiosité et son enthousiasme pour le monde moderne et toutes les avant-gardes, le conduisent à arpenter cafés, ateliers, galeries, salons. Nouant relations et amitiés, il va vite côtoyer tout ce qui compte et se faire le chantre du monde neuf en train de naître.
Ce que Baudelaire a été pour Delacroix, Daumier ou Constantin Guys, Apollinaire va l’être pour Picasso, dès 1905, pour Matisse dès 1907, pour Braque, Delaunay, Léger, Picabia, ou le Douanier Rousseau. Avec l’œil des poètes, et un flair peu commun, il détecte l’originalité dès qu’elle est authentique et tel un sourcier des beautés futures, il ne cessera de soutenir tous ceux qui proclament la primauté de l’invention totale sur la contrainte de la représentation. Finies l’imitation, la reproduction plus ou moins photographique du monde réel. Un esprit nouveau se propage dans toute la sphère artistique et tous les moyens sont bons pour créer une nouvelle réalité affranchie de tout modèle. Cubisme analytique, cubisme synthétique, « cubisme écartelé », Apollinaire assimilait tout et eut à cœur de baptiser chacune de ses métamorphoses esthétiques. Critique attitré de L’Intransigeant puis de Paris-Journal, il relaiera et encouragera toutes les tentatives de saisie et de transmutation du réel ce dont témoignent ici, lettres, cartons, billets et autres cartes postales.
Peintres, sculpteurs, dessinateurs, graveurs, ils sont français, suédois, polonais, suisses, américains, néerlandais, italiens, russes. Ils s’appellent Kandinsky, Rouault, Metzinger, Gleizes, La Fresnaye, Kisling, Magnelli, Van Dongen, Chagall, Gontcharova, Larionov, Zadkine… Et puis Derain (qui avec De Vlaminck lui fait découvrir l’art nègre), Dufy, Max Jacob, l’ami dévoué à l’humour débordant. « L’Espagne est un pays carré et en angles. Les maisons n’ont pas de toit et les aloès sont pareils aux gens ». Ou encore : « C’est toujours la fin qui est bien dans tes poèmes, excepté quand ce n’est pas le début, ou le milieu, ou le tout ». Il y a aussi André Rouveyre, qui voyage avec trois crapauds à lui offerts par une très jolie femme, et avec qui la correspondance prend souvent la forme de poèmes. Rouveyre qui, après la blessure d’Apollinaire qui, comme Georges Braque un an auparavant, vient d’être touché à la tête par un éclat d’obus lui écrit. « Il n’était pas possible que tu échappes à l’acier un jour ou le suivant ; il t’a frappé à ton sommet le fou : c’est où tu es invulnérable. »
« Vous parlez d’amour comme d’un plat sucré qu’il vous faut absolument à la fin de tous vos repas. »
Autre amitié belle et féconde, celle qui l’unit à Giorgio de Chirico, l’auteur d’un portait prémonitoire qu’Apollinaire baptisera « L’homme cible », et qui le montre blessé à la tempe. Un de Chirico parlant du rêve montrant « le passé égal au futur, le souvenir se mêlant à la prophétie en un hymen mystérieux », ou qui ne sait comment remercier. « Vous fûtes le premier qui m’aida à défréchir (sic) le terrain autour de moi, à travailler un peu des coudes au milieu de la foule hostile ou indifférente ».
Et puis, il y a les querelles (avec Delaunay, Juan Gris), mais aussi l’amour, difficile, avec Marie Laurencin, qui termine ses lettres par « Ta petite fille » ou par « Ta môme », et dont on dit qu’à la fin de sa vie, elle souhaitait être ensevelie avec les lettres d’Apollinaire. Un besoin d’amour dont certains se moquent comme la baronne Hélène d’Oettingen. « Vous parlez d’amour comme d’un plat sucré qu’il vous faut absolument à la fin de tous vos repas. On dirait qu’il vous faut toujours un tampon, pour boucher le vide insupportable peuplé de fadeurs et d’ennui, que vous cultivez par paresse dans un coin précieux de votre âme (…), que vous n’êtes pas assez développé, ni assez varié, pour affronter la solitude ».
Mais par-delà les lettres imposées par les convenances ou les relations professionnelles, ce qui frappe, chez Apollinaire, c’est la liberté d’allure et le dédain des hiérarchies établies. Une forme de désinvolture qu’on retrouve jusque dans les lettres de guerre. Hélas, celui qui aimait la beauté sous toutes ses formes, et incarna si bien l’esprit nouveau, allait mourir de la grippe espagnole, quelques mois après avoir épousé la « jolie rousse » du dernier poème de Calligrammes, en novembre 1918.

Correspondance avec les artistes
(1903-1918) de Guillaume Apollinaire
Édition établie et présentée par Laurence Campa et Peter Read, Gallimard, 960 pages, 35

Un voyant considérable Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°109 , janvier 2010.
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