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Domaine étranger Mondaine tyrannie

mars 2010 | Le Matricule des Anges n°111 | par Yves Le Gall

L’Américaine Lily Tuck démonte les mécanismes par lesquels une courtisane s’est rendue complice du joug exercé par son amant, un dictateur paraguayen.

1854. Une jeune et blonde irlandaise monte à cheval dans les allées cavalières du Bois de Boulogne. Une plume de perroquet s’envole de son chapeau. Francisco Solano Lopez qui galopait derrière elle s’arrête. Par cette image un peu désuète, Lily Tuck dépeint la première rencontre du couple qui va marquer l’histoire du Paraguay dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Franco affichait comme seul objectif de « transformer le Paraguay pour le rendre à tout point semblable à la France ». Ce n’est pas le bilan que l’on retiendra de lui.
Avant leur départ Franco a offert à Ella une jument grise qui sera du voyage vers le Paraguay. Ella lui donne le nom de son amie parisienne Mathilde, avec laquelle Ella ne cessera de correspondre. Le roman prend le rythme lent et langoureux de leurs changes au contenu futile. Pendant ce temps, Franco entraîne son pays vers de sombres horizons. Sa folie du pouvoir s’harmonise de façon naturelle avec la vie facile et insouciante d’Ella. Comme si Lily Tuck avait tenté de montrer que sa mégalomanie sur fond de corruption présentait d’étranges affinités avec le goût de sa maîtresse pour le luxe et les frivolités. Les cruautés, les tortures, les exécutions se multiplient dans une ambiance souvent très baroque : ces perroquets toujours présents par centaines, cette ubuesque construction d’un palais sur le modèle de Buckingham Palace par des gamins de 12 ans alors que les hommes valides sont enrôlés dans des camps de l’armée. Mais Ella décrit à son amie un pays en plein développement : « Vous seriez sans nul doute surprise du nombre d’étrangers qui résident maintenant au Paraguay - de tous ces ingénieurs, architectes, médecins, impatients de bâtir leurs fortunes dans ce nouveau monde si riche ».
Afin d’obtenir « le respect du monde », Franco va conduire le Paraguay dans un conflit. L’agression absurde d’un vapeur brésilien sur le fleuve Paraguay permet d’ouvrir les hostilités qui engendreront une guerre suicidaire contre la Triple Alliance (Brésil, Argentine, Uruguay). Mais ces glorieuses décisions conféreront à Franco le rang de maréchal et l’obtention du bâton incrusté de diamants attaché à la fonction. La narration de Lily Tuck, toujours distante presque analytique, traduit parfaitement toutes les démesures, celles de la folie meurtrière déployée par le dictateur, mais celles peut-être encore plus révoltantes de l’insensibilité d’Ella. « Assez de ces assommantes histoires politiques. Il faut que je m’habille pour dîner » écrit-elle à Mathilde. « Vous avez raison, chéri » dit-elle à Franco, l’approuvant dans ses décisions les plus délirantes. Elle donnera cinq fils à Franco. Dont Pancho qui, à l’âge de 10 ans, accompagne son père dans ses opérations guerrières sans qu’Ella ne s’y oppose.
Le récit est agrémenté d’un foisonnement d’anecdotes vécues par de nombreux personnages dont certains ont réellement existé : le Dr Eberhardt naturaliste, spécialiste des perroquets, le tailleur de pierre Alonzo Taylor, le colonel hongrois Enrique Wisner de Morgenstern amateur de danse, d’escrime et d’échecs, Frederick Masterman un Anglais nommé pharmacien en chef de l’armée… Tous vivent des péripéties parfois cocasses, souvent dramatiques, témoignant que l’imagination l’emporte chez Lily Tuck sur les soucis de fidélité historique.
La guerre s’achève en déroute pour l’armée paraguayenne. La dysenterie, la rougeole, le choléra provoquent la mort de milliers de soldats. Une simple scène résume à elle seule la portée symbolique de l’ensemble du roman. Franco souffre d’un vilain abcès dans la bouche. Masterman le soigne. Ella est présente : « quelques gouttes de pus épais à l’odeur putride éclaboussent le bout de son soulier de soie », élégance féminine entachée de purulence.

Paraguay de Lily Tuck - Traduit de l’anglais (États-Unis) par Oristelle Bonis, éd. Jacqueline Chambon 302 pages, 22

Mondaine tyrannie Par Yves Le Gall
Le Matricule des Anges n°111 , mars 2010.
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