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Domaine français La mère et la putain

avril 2010 | Le Matricule des Anges n°112 | par Benoît Legemble

Des corps en silence

Valentine Goby évoque deux destins de femmes, à deux époques différentes, pour donner une voix à celles pour qui le corps fut un éternel tombeau.
Oh, si cette trop, trop solide chair pouvait fondre, se dissoudre et se perdre « . Ces vers sont extraits du monologue d’Hamlet de Shakespeare. Ils résument à eux seuls la démarche poétique qui est celle de Valentine Goby, vouée avec Des corps en silence à la tâche ardue d’examiner sous deux angles différents le sort fait à ces femmes qui ont eu le courage de vouloir s’émanciper. La première réussite de ce roman polyphonique réside dans le fait qu’il échappe aux clichés d’un féminisme aux allures de coquille vide. Si filiation il devait y avoir de ce point de vue, il faudrait davantage chercher du côté de Woolf ou Bachmann que de Simone de Beauvoir. Le projet esquissé à travers le parcours de Claire et d’Henriette est le même que celui entrepris par la poétesse autrichienne : il s’agit de dire les différentes manières dont une femme peut mourir à soi-même. Renoncer à ce vaste champ des possibles qu’offre la vie au nom d’un homme. Par peur de la solitude, comme c’est le cas pour Claire. Le lecteur suivra son errance durassienne dans les rues de Paris, accompagnée de sa fille à qui il ne faut surtout pas montrer le doute qui l’habite - à qui il ne faut pas dire qu’elles ne rentreront plus jamais. À l’heure du départ, les images des jours heureux s’agglutinent comme pour mieux signifier la fin des illusions. C’est que Claire ne veut plus être une mère. Plus uniquement ça :  » elle veut que son corps à elle lui revienne (…). Puis elle tend ses seins vers sa bouche, il les mange, ce n’est pas la bouche d’Alex c’est la bouche d’un homme, ces seins ne sont pas à Kay ils sont à elle qui les donne si elle veut, à qui elle veut. «  À travers elle, Valentine Goby dit la nécessité féminine de retrouver ce corps tantôt confisqué par l’homme dans le cadre de nos sociétés patriarcales, tantôt destiné uniquement à l’enfant en tant qu’instance maternelle.
Ce que l’écrivain nous apprend, c’est qu’il n’y a pas d’espace féminin. Pas pour les femmes, à qui il ne reste dès lors que le choix artificiel de la sécurité et du confort :  » une régression en Alex, comme Kay en Claire quelques années après leur rencontre, comme Claire en sa mère, il y a plus de trente ans, dans l’éternel amour ; l’éternel satiété. Alex, c’était : trouver une maison « . Il s’agit ici de révoquer les modèles classiques de narration, de travailler à saper une imagerie d’Epinal fondatrice de l’idylle réactionnaire et de ce qui pourrait bien être la langue des bourreaux. C’est d’ailleurs ce versant qui est exploré à travers l’histoire d’Henriette, femme adultère à un homme aux allures d’avatar don juanesque, qui lui avait fait croire à la réconciliation de la chair. Qui lui avait pourtant dit que ce corps-là était à elle. Goby cristallise le moment de la rencontre comme comportant tous les ressorts du drame à venir : la trahison adultère, l’humiliation publique causée par l’inconséquence de son mari. Le récit met ainsi à l’épreuve la rhétorique quantitative du désir en tant qu’élément fondateur de l’imaginaire phallocrate. Il dit aussi le mythe de la vierge sacrifiée à la boulimie sexuelle masculine, et la soif éternelle de reconnaissance du corps féminin. Une soif pourtant réduite uniquement à l’usage du possessif. Et puis viendra le temps de l’indifférence :  » les jours suivants, seul le menu change, et les vêtements d’Henriette : cailles aux raisins sur robe pourpre, tournedos sur robe de satin vert, (…) et dans l’assiette en porcelaine d’Henriette les viandes refroidissent ". À une œuvre, Goby propose deux variations autour du thème de l’émancipation et révoque définitivement l’archétype nauséabond de l’idylle étiquetée label rouge.

Des corps en silence de Valentine Goby
Gallimard, 143 pages, 13,50

La mère et la putain Par Benoît Legemble
Le Matricule des Anges n°112 , avril 2010.
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