Hey ! N°1 (Modern art & pop culture)
Hey, il y a deux couvertures différentes ! Hey, un livret de dessins à détacher ! Hey, des stickers ! Hey, une poupée « de bureau » à construire - et puis de nombreuses œuvres-jouets à découvrir, telle cette série Barbitch avec laquelle Carmen Gomez entend rendre leur « potentiel sexuel » aux blondinettes de plastique. Fidélité aux couleurs vives de l’enfance, donc, comme le souligne le peintre Alëxone Dizac : « J’ai toujours eu les yeux grands ouverts sur la télé et donc sur la publicité et le dessin animé (…). En grandissant, puisque c’est tout de même de cette culture-là dont je viens, il me fallait apprendre à l’aimer encore, il fallait que je développe un truc en plus pour pouvoir l’apprécier toujours. » Toujours est régressif ? Ça n’empêche pas de saluer cet ambitieux magazine à vocation européenne (tous les textes sont traduits en anglais) et sans publicité, comme de chercher à comprendre ce qui se trame derrière l’étiquette « Modern Art and Pop Culture » et le défilé de noms connus (Blanquet, David B.) et d’œuvres presque anonymes.
Hey ! fait d’abord l’effet d’une baraque foraine : cela grouille, grince, c’est le plus souvent figuratif, cela rappelle Jérôme Bosch, ou d’antiques courbes grotesques, ou l’art pompier. Le généreux magazine pète de consciences solipsistes et d’imaginaire collectif, bravant crânement le trop-plein et les grands écarts - les écarts d’âge bien sûr, mais aussi les distances de toute sorte qui prétendent distinguer le tout public et l’underground, le très profane et le très sacré, la niaiserie des canevas et la brutalité des images pornos. Les œuvres idéales sont alors celles qui donnent à rêver un syncrétisme intuitif : voir, peintes sur de vieux sacs de farine de blé, ces affiches de cinéma ghanéennes où l’imaginaire vaudou vient se couler dans la grammaire des films américains ; voir aussi, moyen de communication et monnaie d’échange, mixant culture de la drogue et images pieuses, ces mouchoirs fournis par l’administration pénitentiaire sur lesquels dessinent les prisonniers hispaniques.
Somme toute, ces pages peuvent se parcourir comme le bréviaire d’une nouvelle mystique. On y donne à mater les icônes, on y confesse les artistes dans un échange d’affects, de ferveurs et de fragilités. C’est notamment sur une inquiétude que s’ouvre Hey ! : si les graffitis et les tatouages ont désormais droit de cité, si les collectifs font vernissage, où habiter et communier ? Anne&Julien, concepteurs de la revue, répondent avec une touchante sincérité dans leur éditorial : « Nos alternatives d’hier, nos refuges, nos marges, nos réseaux sont sous les projecteurs. Alors, on s’est jetés à l’eau, pour continuer d’occuper un coin encore à nous. Hey ! est notre corde vocale. »
Hey ! N°1, Ankama éditions, 144 pages, 17,90 €