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Domaine français Briser les limites

mai 2010 | Le Matricule des Anges n°113 | par Richard Blin

Frère en malheur de Kafka et de Pavese, la correspondance de Vincent La Soudière nous fait partager les mystères et les errances d’une quête inaccessible.

C’est à la nuit de briser la nuit

Il aura traversé la vie tous feux éteints, naviguant à la verticale des grands fonds de l’esprit, et ne laissant dans son sillage qu’un seul livre, Chroniques antérieures (Fata Morgana, 1978). Né en 1939, mort en 1993, Vincent La Soudière a cependant beaucoup écrit, une centaine de cahiers dont il ne parvint jamais à ordonner la matière - une impuissance dont la correspondance adressée à Didier, son meilleur ami, nous livre les raisons tout en nous montrant l’envers du décor et le calvaire d’un moi désancré et flottant.
Une correspondance qui commence en 1964 alors qu’après avoir commencé des études de philosophie et abandonné une tentative de vie monastique, Vincent La Soudière, à 24 ans, cherche à mieux se connaître. Il se confie à Didier - trente ans d’échanges - dont voici les dix premières années, deux autres tomes devant suivre. Une correspondance qui a des allures de journal, comme l’a voulu Sylvia Massias - qui en a établi l’édition, après celle de Brisants (Arfuyen, 2003, Lmda N° 47) - en ne donnant ni le tout début ni la fin de chaque lettre, ni non plus les réponses du destinataire qui n’a pas souhaité les inclure.
Le résultat est assez saisissant, puisque nous devenons l’interlocuteur privilégié d’un homme dont l’exigence de liberté et la révolte s’éprouvent au feu de la négation. « Toute la civilisation repose sur une lutte à mort contre notre adhérence à l’innommable. Il suffit de lever le voile, de secouer la mince pellicule d’humanité, pour que soient aussitôt libérées les hordes de démons originels, et leurs marteaux, et leurs fers brûlants. » Car Vincent La Soudière, qui se sent « étonnamment inutile en ce monde », se dit incapable de vouloir travailler, souffre d’états névrotiques. D’analyse en traitement, dont il craint qu’ils le normalisent - « Je demeure peut-être trop attaché à l’anormal, à la bourrasque, au tragique » -, il lutte contre la folie qui rôde et contre une « sorte de fascination absolue qui réquisitionne toutes les énergies en un seul point incandescent qui vibre d’une intensité fulgurante. »
Son refuge, il le trouve dans la lecture et dans l’écriture - quand elle est possible. « J’ai eu la certitude que j’avais (j’aurais…) quelque chose à dire. Oh, presque rien, peut-être, un cri, un soupir, un haussement d’épaule, un geste furtif, mais absolument miens », une parole « insuperposable avec aucune autre. » Il lit Michaux, Pessoa, Artaud, Cioran, cherche l’accord parfait entre son écriture et son être, prépare « le passage de l’Inespéré, de l’Incontrôlable », essaie de croire encore en la poésie. Elle « broie les phantasmes pour un emploi supérieur - et spirituellement libérateur - mais les laisse entiers dans leur matérialité ténébrante et convulsionnaire ; comme si l’activité créatrice ne s’emparait que de la forme, que de l’essence des images obsédantes (pour en faire de la musique) mais laissait dans l’individu leur matière pourvue de tous ses pouvoirs destructeurs. »
Souvent sans ressources, n’étant jamais dans son rythme à lui, ne pouvant donner à celles qui l’aiment « qu’une tendresse morcelée, clandestine et sauvage », il trouvera dans sa relation avec Henri Michaux, la force de survivre. Il l’incite à publier - mais « publier est un geste qui m’importune. Geste extérieur, clin d’œil au monde. Ils n’ont pas besoin de moi, ni de mes textes. » Et puis, avec l’extraordinaire lucidité qui est toujours la sienne, Vincent avoue. « Je jouis de ne pas donner, de retenir le don, de le pétrir, le polir, le peloter à l’intérieur de moi. Volupté extrême de nager dans ses possibles. Admirable velouté des sensations. » Ce à quoi s’ajoute le fait qu’il ne trouve ni la forme, ni « le détonateur ». « Tant que je n’aurai pas l’ancrage, la perspective, le sens, l’intention, je resterai immobile, paralysé, et même anéanti. » Une correspondance donc qui tient d’une lumière tentant de s’affûter à la nuit, magnifiquement écrite, et où coagule ce mélange de vertige et de vide en fusion.

C’est à la nuit de briser la nuit Lettres à Didier de Vincent La Soudière édition établie par Sylvia Massias, éd. du Cerf, 704 p., 32

Briser les limites Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°113 , mai 2010.
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