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Domaine étranger Brûlant royaume

mai 2010 | Le Matricule des Anges n°113 | par Etienne Leterrier-Grimal

La Villa d’été

Les jeunes éditions Rouge Inside poursuivent la publication des œuvres d’Angel Vázquez avec un texte lumineux, où les miracles comme les démons de l’enfance ressuscitent.
Sur les hauteurs de Tanger, Gabrielito et sa mère, Teresa, ont loué une villa pour y passer l’été. Dans la canicule d’août, une poule désœuvrée picore les allées d’un jardin méditerranéen qu’ombrage une pinède et que parsèment quelques fleurs près desquelles Gabrielito joue. C’est sous ce soleil marocain que l’auteur Angel Vázquez, a grandi, lui aussi. Le huis clos entre une mère et son fils décrit dans La Villa d’été adopte le point de vue de Gabrielito, tout en étant manifestement nimbé par ces souvenirs d’enfance. « Corrompu, sans foi, égoïste et dépourvu de toute confiance en (lui)-même. Homosexuel, alcoolique, drogué, cleptomane », Angel Vázquez (1929-1980) a pourtant traversé le paysage littéraire espagnol dans une relative indifférence, en dépit de l’obtention du prix Planeta, en 1962. Rouge Inside avait fait paraître l’an dernier La Chienne de vie de Juanita Narboni, le monologue d’une femme tangéroise qui parvenait à dépeindre, au-delà d’un destin individuel, toute la singularité d’une ville. Or c’est la même sortie de soi que Vázquez a mis en œuvre dans La Villa d’été. La même manière de décrire le monde grâce au regard d’autrui. Pour cela, l’auteur privilégie ceux qui, femmes ou enfants, échappent à l’hégémonie masculine ou suppléent à son absence. Le couple fusionnel, solaire, de la mère et de l’enfant n’est d’ailleurs perturbé que par la présence de Manolo, l’amant de Teresa, « un homme du crépuscule ».
Il serait tentant de trouver dans la biographie de Vázquez l’origine des thèmes les plus prégnants de son œuvre. Abandonné dès son plus jeune âge par un père violent, le jeune Angel vécut entouré de femmes, dans la chapellerie de sa mère, à Tanger. Or, La Villa d’été demeure gouverné par deux absolus : paradis de l’enfance et idolâtrie de la mère. « Teresa était grande, brune, son corps appétissant avait doré au soleil. Elle sentait toujours l’eau de Cologne Heno de Pravia et Gabrielito était aux anges lorsque, en mère désœuvrée, elle le dorlotait ». à travers le regard de l’enfant Gabriel, la narration de Vázquez trouve ses plus belles pages, la transfiguration du réel par la fantaisie enfantine semblant toujours étonnamment familière à la plume de l’auteur. à la sensualité d’un environnement sécurisant répond la mystérieuse villa voisine : « château fort » mythique qui abrite une gouvernante indiscernable mi-autruche mi-girafe, et surtout Herminia : une « fée » maladive qui, à 14 ans, lui révèle qu’elle va mourir parce que «  (s)on sang est pourri ».
Or point de quête accomplie auprès de cette jeune fille vêtue de blanc, nul amour d’enfance. Mère et fils sont d’autant plus inséparables au sein de leur Eden qu’ils sont protégés du péché par un univers désexualisé, la mère ayant éliminé, à travers une vipère, le serpent symbolique : « Teresa exhiba son trophée : un ruban gris, pendant au fer de la houe ». Point n’est besoin de forcer la lecture pour constater que cet univers romanesque offre toutes les variations d’un extraordinaire triomphe de l’enfance sur la virilité, celle-ci n’étant incarnée que par un petit chapeau que l’enfant refuse de porter car il est rose et « en forme de gland »… Dans ce fascinant récit où l’évocation heureuse de l’enfance menace continuellement de se transformer en douloureux appel à la régression, rien de plus candide, ni de plus désarmant que la fin, qui par un tour de passe-passe narratif parvient in extremis à restaurer l’unité de la cellule familiale. Une unité dont Angel Vázquez a chanté ici la perte comme l’indique mieux le titre espagnol : El cuarto de los niños, « La chambre des enfants ». Une chambre ensoleillée et mortifère que l’écriture cerne au plus près, cherchant la possibilité d’un impossible retour.

La Villa d’été d’Angel Vázquez
Traduit de l’espagnol par Sélim Chérief
Rouge Inside, 140 pages, 13

Brûlant royaume Par Etienne Leterrier-Grimal
Le Matricule des Anges n°113 , mai 2010.
LMDA papier n°113
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