Heureux le lecteur qui fera un beau voyage avec ce tout petit livre qui est pourtant un grand roman. Le métro d’Athènes dans les années 70. Une femme mariée rentre du travail. Elle a 40 ans, un mari, un foyer, des certitudes, une attente au cœur, sûrement. Un jeune homme de 20 ans s’installe dans le même compartiment. Jour après jour, une rencontre se fait entre elle, Koulà, et lui, Mimis. Ils parlent, se racontent avec des regards, des silences, des maladresses. D’une rame à l’autre, d’une semaine à l’autre, le lecteur savoure chaque flexion des sentiments, chaque accélération du pouls et oublie l’articulation du temps pour se glisser dans les espaces invisibles qui relient les deux vies, les mots impossibles à dire, les espoirs d’une expérience sexuelle, d’une tentative d’amour. Et aussi l’incompréhension de deux êtres, lesquels pourtant deviennent amants, sans comprendre comment cela a pu se faire, mais portés l’un vers l’autre par le goût de l’inattendu, du territoire défendu, plus aimantés par le hasard que par la raison. Ils s’aiment, chacun avec son arsenal, ses stratégies, ses moyens de défense. Mimis est un amant de son âge. Koulà est une femme avec une autre densité affective, engagée dans une quête dont elle ignore les véritables ressorts, livrant combat contre elle-même, contre l’autre en elle, enfermée dans un carcan. Essayant même de se convaincre que son jeune amant est un personnage inventé. « Au fond d’elle-même elle s’insurgeait, une femme s’éveillait armée de ses principes, prête à condamner l’autre femme… » Chez elle, elle accomplit les tâches ménagères de façon mécanique. Elle évite les questionnements. Elle s’enferme dans un autre rouage. Un soir, elle laisse passer la rame dans laquelle se trouve Mimis. L’histoire se referme donc et pourtant elle demeure ouverte. Mimis se lève, se colle à la vitre. Koulà le regarde et ne bronche pas, le corps aimé s’efface, une ombre s’en va, l’ombre d’un désir qu’elle veut voir mourir et qui ne meurt pas. Koulà s’installe dans la rame suivante. Ce
la femme du métro
de menis koumandareas
Traduit du grec et postfacé par Michel Volkovitch
Quidam éditeur, 80 pages, 10 €
Domaine étranger La femme du métro
juin 2010 | Le Matricule des Anges n°114
| par
Serge Airoldi
Un livre
La femme du métro
Par
Serge Airoldi
Le Matricule des Anges n°114
, juin 2010.