La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Poésie Arpent d’endurance

juin 2010 | Le Matricule des Anges n°114 | par Emmanuel Laugier

Depuis plus de trente ans, Nicolas Pesquès travaille sur le motif d’une colline, la face nord de Juliau, dressant là une grammaire sensible de son existence.

Que ce soit dans cette nouvelle Face nord de Juliau, la sept, ou les précédentes, Nicolas Pesquès se retrouve, à chaque fois, devant le motif insu de ce qu’elle place sous ses yeux. Et de la connaissance qu’il en a malgré tout, il glisse toujours vers la pugnacité d’un dire comme revenu à son origine. Effondré devant ses ravines, «  je compte jusqu’à un, puis la colline, puis la submersion ». Décrire ainsi ce lieu du pays ardéchois, face auquel, depuis l’enfance, il a pu se lever, n’a de sens en cela qu’il ne cesse de se soustraire à toute emprise, à toute velléité conceptuelle ou formelle. Il s’est toujours agi, pour ce poète, dans l’endurance même de revenir à Juliau, de lui offrir le langage qu’elle n’aura jamais. Que lui, conséquemment, n’envisagera que comme «  une autre histoire de l’œil. Une somme de détails, de reculs, d’hébétudes. (…) // Avec l’oubli comme seule référence douée de traçabilité ». Toute la matière de Juliau (de la vivacité jouissive de son jaune étincelant à la tension douce qu’offre un champ à peine fauché) sert, dans sa distanciation et dans le divorce qu’il y a entre « mot » et « chose », à faire que les mots soient au moins la trace vivante de tout ce que la colline peut être : « Techniquement : / Une tresse de vers, de proposition et de disparition. / Le son de la vue, le profilage de la coupe, ce que les noms suppriment : telle est l’avenue rythmique et telle, au bout, la colline ». Ployer le langage du poème à sa propre grammaire taiseuse, et à tout ce qui en elle se montre, et peut-être se donne, est le socle d’où cette petite entreprise s’est soulevée : « cette fabrique qui m’ôte le cœur / lui-même / par grâce abstraite de sensation de mots / incisant une fêlure, la possibilité d’une passion insensible // la conséquence d’une puissance, une colline inconnue // la véronique d’un ventre sur un visage ».
« L’œil qui veut entraîner son monde ».
Le travail sur le motif passe par un mouvement dépassionné, non pour glacer la face nord, ni l’extraire de ses fluctuations, mais pour au contraire lui soustraire la part lyrique où elle se fausserait. L’équilibre, très fin, entre justesse et mythologisation de la colline, trouve ainsi son point d’appui dans une sorte de rage (pongienne) du langage, comme dans sa précision physicienne. Tout se construit dans cette tension risquée, Nicolas Pesquès s’employant, comme vidé de lui-même, à rattraper la corne vorace que fait la réflexion de la lumière sur tel bord de sa colline : « avec une règle rabroueuse : je brise la merveille / je brise le cadrage // jaune poursuivi comme ça, à la renverse / à base de terre et de lecture // pour accomplir un autre sentir / un genêt neuf, un escalier dedans ». Du jaune qui envahit les pentes, il parle alors comme d’un « flash lent d’arrière rose vir(ant) à l’éden », ou d’un « iris jaune rapace ». Puis de la place qu’il occupe comme une sorte de traducteur, « jaune se définit comme une griffe ascensionnelle », « le genêt comme un nombre premier ». Reste pourtant, encore, pour lui, à « regarder vers le fracassable / la furie de la phrase », à entendre qu’il y a en elle « quelque chose d’aussi constructible que le transfert / d’un éclair ». Soit un presque rien à saisir, entre son trajet nocturne et son claquement illuminé. « L’œil qui veut entraîne son monde », est-il dit, dans une sobriété presque déconcertante, car, plus loin, « écrire devient sortir ».
S’étirant en une forme d’élastique descriptif et pensant, de « J7 » à son « Après J7 », on ne peut pourtant pas ne pas remonter vers une pente, celle qui « s’adresse aux mots », où « le jaune se répartit : ici matière et ici écrire ». Tout peut alors se recommencer, « beaucoup de paysage puis plus rien / le mot colline disparu pour du soleil ».

La Face nord de Juliau, sept de Nicolas Pesquès
André Dimanche éditeur, 142 pages, 16

Arpent d’endurance Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°114 , juin 2010.
LMDA papier n°114
6,50 
LMDA PDF n°114
4,00