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Poésie Des mots sans âge

juillet 2010 | Le Matricule des Anges n°115 | par Richard Blin

Innervée de violence sourde, amère et forte comme ces alcools qu’on boit en frissonnant, la poésie de Franck Venaille gravite dans l’ombre de la grâce. Réédition.

La Descente de l’Escaut (suivi de) Tragique

Longeant un fleuve, un homme marche, « courbé, ployant sous son poids primitif d’/Homme blessé blessé de jour en jour davantage blessé et/Humilié de se voir : semblable à ce rat le suivant/En appui sur la vase. » Cet homme, c’est Franck Venaille, l’auteur de Chaos et de ça, et le fleuve c’est l’Escaut, qu’il a décidé de descendre à pied, puis en cargo, de sa source à son embouchure. à l’origine de ce voyage - de La Descente de l’Escaut qui en naîtra (Obsidiane, 1995) -, il y a le sentiment qu’en allant tremper sa main malade (maladie de Parkinson) dans la source d’un fleuve du Nord, il guérira. Mais ce Voyage d’hiver, en vérité, a d’autres fins. « Je marchais pour me connaître, (…), pour me fuir. Empêtré de moi-même. (…) Pour tenter de comprendre les raisons de ma fuite. »
Il marche pour connaître d’autres états du corps. Car Franck Venaille est une énigme à lui-même, un homme que la chair, la nuit, la nudité des corps obsèdent autant que l’insupportable douleur d’être né. Cette descente du fleuve sera donc une plongée en soi, une remontée aux origines, à l’avant-vie de tous les possibles, comme celui d’être né « sur la plage d’Ostende, de la fusion entre la mer du Nord et le sable ». Imposer sa légende, se créer une filiation mythique, pour conjurer l’angoisse, la part mauvaise de soi, le tragique d’une mémoire hantée par la dévastation, à l’image de ce rat rencontré « au milieu du sentier. Corps éclaté. Corps déchiqueté. Viscères, organes, tout cela apparent ! » D’où cette écriture dont le corps est le centre vibratoire. écriture qui fouille, creuse, passe par des mots venus de la souffrance, des déchirements secrets du désir, du dialogue avec les morts. Une écriture qui naît dans l’après-coup du vu ou du ressenti. Car Venaille n’écrit pas sur le motif mais à partir de ce qui reste en lui des lieux traversés, des signes décryptés, des éclats du réel.
Là où la fatigue qui le poursuit « se love », forme en lui « un maelström infernal », le poème cherche à dénouer ce maelström, à le domestiquer, en le canalisant dans un dispositif d’écriture. D’où le glissement du vers à la prose, les variations prosodiques, les brisures, le choix d’une horizontalité rigoureuse ou celui d’une verticalité agressive. écriture férocement physique, multipliant apostrophes et questionnement. « Dites ! De quel boyau sortez-vous ?/De quelle profonde tranchée sinueuse ? » Dans le compagnonnage du fleuve, au milieu des champs de betteraves ou de la plaine « semée de chevaux », il s’agit de ne pas se laisser diluer dans et par le paysage. « Mais quand c’est l’eau elle-même qui se noie ? D’où vient le secours ? Et qui perçoit sa plainte ? Lorsqu’elle coule et, en tourbillon/disparaît ! »
« Sentimentale et mentale
 » la souffrance de celui qui va mettant ses pas « dans les marques laissées par les fers des chevaux », ou écoutant les peupliers évoquer « l’angoisse ancestrale des pays plats/devant la montée de l’eau ». Mais qu’il pleure, scrute ses contradictions intimes ou s’interroge - « Cette aventure est-elle moderne ? Dites ! Ou descend-elle de la nuit des âges, temps des beffrois, des pendus, des bûchers hérétiques » -, c’est toujours la même voix, entêtante, qu’on entend, une sorte de parler-chanté qui nous fait ressentir la part sauvage de l’animalité humaine, le désir d’atteindre à la nudité mystique de la vieille spiritualité flamande.
C’est que celui qui fut « cet animal qui ronge et lape// se reproduit à même le sol », n’aspire plus à présent qu’à la concorde avec lui-même, même si c’est encore et toujours taraudé par une question : « Et si le langage ressentait ce que nous éprouvons/NOUS ! » Question pertinente tant le sang noir qui irrigue les vers de Venaille fait de La Descente de l’Escaut, ce long poème vivant toujours recommencé qui, par-delà sa transe sombre, est avant tout un hymne à l’écriture.

La Descente de l’Escaut (suivi de)
Tragique de Franck Venaille
Préface de Jean-Baptiste Para, Poésie/Gallimard, 320 pages, 9,90

Des mots sans âge Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°115 , juillet 2010.
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