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Domaine étranger Nostalgie du futur

septembre 2010 | Le Matricule des Anges n°116 | par Etienne Leterrier-Grimal

L’écrivain argentin Rodrigo Fresán poursuit l’exploration des rapports du temps et de l’esprit, en découvrant à son lecteur Le Fond du ciel.

On savait les Argentins nostalgiques. On ne se doutait pas cependant que leur nostalgie était capable d’embrasser non plus le passé mais l’avenir. Non plus le retour mais le départ. Rodrigo Fresán, lui, a déjà montré dans plusieurs textes un penchant certain pour les renversements féconds, pour la relativité, spatiale ou temporelle (allant parfois jusqu’à tenter de greffer sur la fiction le principe dit « d’incertitude »). Le Fond du ciel poursuit ce travail de déséquilibriste qu’il impose au roman. Et en pointant son doigt vers Urkh 24, sa planète tutélaire, l’écrivain nous ferait presque croire que « Ce qui est survenu est aussi fantastique que ce qui va survenir  ».
Isaac Goldman est scénariste pour une série télévisée. Avec son cousin Ezra Leventhal, ils ont fondé l’un des premiers fanzines spécialisés de science-fiction. Or chez Fresán, « l’enfance est une autre dimension  » à explorer, et la mémoire, une machine a remonter le temps. Des années plus tard, Isaac et Ezra se rapprochent à nouveau grâce au souvenir d’une jeune fille à la beauté indescriptible et aux étranges récits, dont ils ont été tous deux amoureux étant enfants, avant de la perdre à jamais.
à de rares exemples près dont celui-ci, l’amour est en effet un des grands absents de l’œuvre de Fresán, trop préoccupée par ces deux infinis que sont l’enfance et la mort. Dans Le Fond du ciel, l’amour est une science-fiction ; « Je me demande s’il existe quelque chose de plus scientifique que l’irruption soudaine du virus de l’amour dans l’hôpital de la jeunesse, cette présence extraordinaire qui, tout à coup, sans prévenir, te possède et fait de toi un astronaute en transe. » Dès cet instant, la fiction fresanienne devient une élégie puisque, comme les baleines ou l’enfance, la science-fiction et son imaginaire sont en voie de disparition, dépassée par un monde qui les réalise.
Les romans de Fresán sont prodiges de ces personnages de gamins fascinants, à mi-chemin entre le geek et le Weltgeist, l’enfant perdu et le génie pur. Le chemin d’Ezra et d’Isaac traverse aussi l’histoire du XXe siècle Tandis qu’Isaac scénarise et finit par devenir l’ayant droit d’un écrivain culte, Ezra est recruté par l’armée américaine pour élaborer la première bombe nucléaire, assiste à l’assassinat de Kennedy, participe à plusieurs conflits mondiaux, et se retrouve au sommet de l’une des Twin towers, un certain matin du 11 septembre 2001. Avant que Le Fond du ciel n’ouvre le chapitre d’une guerre américaine en Irak. Rodrigo Fresán, en lecteur assidu d’Asimov, Sturgeon, Bradbury et autre Philip K. Dick semble ici prendre acte de la fin d’un monde. Voire de la fin de deux. Et cela plusieurs fois.
Cette manne romanesque qui tisse à tout-va et convoque au besoin histoire, lectures, films, séries télévisées, l’auteur de Mantra la domine par un goût de la métaphore omniprésent et souvent très libre. On pourrait parfois reprocherà ces pages, dont le volume a considérablement diminué depuis le projet initial (de plusieurs milliers à moins de 300) l’attrait du métadiscours et parfois d’une figure auctoriale quelque peu théâtrale. Mais un roman de Fresán est souvent une véritable expérience de lecture qui offre une voix narrative plutôt qu’une narration traditionnelle et fait du texte – à l’instar de la narration cinématographique – une réalité vocale, parfois musicale. Qui veut entrer chez Fresán doit d’abord accepter sa compagnie, accepter celle de ses métaphores, parfois intempestives, souvent d’une étrangeté aérienne. « J’écris ces lignes exactement comme suit : hors du temps et de l’espace, en apesanteur, coupé de toute communication avec le centre de contrôle  ». Il faut une semblable vertu de lecteur pour goûter pleinement à cette romance science-fictionnelle qui constate avec une ineffable tristesse la mort d’un certain futur.

Etienne Leterrier

Le Fond du ciel
de Rodrigo Fresán
Traduit de l’espagnol (Argentine) par Isabelle Gugnon
Seuil, 302 pages, 21

Nostalgie du futur Par Etienne Leterrier-Grimal
Le Matricule des Anges n°116 , septembre 2010.
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