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Domaine français Raison sociale

septembre 2010 | Le Matricule des Anges n°116 | par Benoît Legemble

Dans un journal intime aux allures de roman choral, Celia Levi évoque les turpitudes administratives d’un artiste sans statut fixe.

Intermittences

Découpé en quatre chapitres comme autant de saisons, Intermittences invite le lecteur à suivre le marathon d’un jeune artiste en quête d’une reconnaissance synonyme d’ouverture de droits – et donc de temps alloué à la création. Chaque saison apportera son lot d’illusions et de déceptions. Des rôles de figurant au cachet mal payé jusqu’aux travaux de maçonnerie pour combler les fins de mois difficiles, il n’y a qu’un pas. Le narrateur finira par le franchir, dans l’espoir du précieux sésame. L’intermittence prend peu à peu la forme d’une obsession, sorte de Graal moderne pour un artiste qui en fait progressivement son moulin moderne lui permettant de réaliser son « grand œuvre ».
Avec réalisme, Celia Levi (auteur des Insoumises, Tristram, 2009), dénude les fils d’un système bâti sur la soumission des plus démunis. Il en va ainsi, dès l’ouverture du livre, pour ces figurants condamnés à accepter les miettes des acteurs : « il y a une hiérarchie. Nous ne mangeons pas avec les acteurs, et surtout nous ne mangeons pas la même chose. Ils mangent des plats raffinés sous une tente qu’on appelle “Barnum”, nous mangeons des plats froids, comme de la salade de surimi qui baigne dans de la mayonnaise de dernière qualité. » C’est justement l’envers d’un décor en carton-pâte que nous donne à voir la romancière. La satire touche alors le monde de l’art de plein fouet, dont on pointe l’iniquité structurelle et l’autosuffisance jargonneuse : « Sur le plateau, ils ne parlent que de films, enfin, ils parlent surtout des acteurs. Ils citent des noms comme s’ils tiraient à la mitraillette. Je ne connais aucun des comédiens dont ils parlent. C’est drôle, ils ne parlent jamais du film en général. C’est un peu comme si pour analyser un tableau, on ne parlait que de la couleur sans mentionner la composition ou le trait. » Ailleurs, il s’agit de pointer du doigt l’impossibilité d’avoir des revendications sociales, sous peine d’être remercié et de voir encore un peu plus s’envoler le très convoité statut. À moins d’être acteur ou, comme l’improbable Pauline – la compagne du narrateur – de vivre aux crochets de parents à l’assise financière conséquente. Ce dernier personnage « pourrait ne pas travailler », comme le précise le narrateur. Mais elle fait ça par jeu, avant d’arrêter pour une nouvelle lubie de la même façon qu’elle mit fin à une carrière prometteuse de pianiste classique pour la flûte à bec, « après avoir écouté l’album Spirits de Keith Jarrett ».
Le roman est ainsi peuplé de personnages truculents, loufoques parfois, mais toujours attachants car incarnant un certain onirisme. On pourrait à ce titre renvoyer aux amis marginaux de Pauline. Une bande haute en couleur vivant dans le salpêtre, où cohabitent un géant, un dresseur de rats et un borgne africain. De joyeux freaks chez qui il reste une place pour Noël, lors de festivités déridées où le protocole n’a plus lieu d’être. Mais le poids du réel est trop important, et le narrateur semble peu à peu trouver une échappatoire dans des visions, des hallucinations qui se font de plus violentes à mesure que la fracture sociale se creuse. L’intrusion progressive du fantastique permet ainsi de dissoudre les différentes strates d’objectivité et de diluer la solitude moderne, à l’image de la mère du narrateur, noyée par les images projetées inlassablement par le téléviseur. Et l’art de gagner en humanité, quand la masse des procédures et autres formulaires révèle son absurdité. Le narrateur opposera alors sa délicieuse folie poétique à ce monde sans queue ni tête. Là où les autres constatent un incendie, le peintre contemple la perfection chromatique. Il cherche l’Absolu, « l’imagination, le fantasme, mais cela doit être caché derrière les orbites, dans le pli, l’interstice ». L’intermittence d’une vie prise au piège ?

Benoît Legemble

Intermittences
de Celia Levi
Tristram, 124 pages, 14

Raison sociale Par Benoît Legemble
Le Matricule des Anges n°116 , septembre 2010.
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