La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français Une éducation sensible

juillet 2024 | Le Matricule des Anges n°255 | par Thierry Guichard

Revenant sur ses années d’apprentissage, sur la découverte progressive d’une histoire familiale désordonnée, Frédéric Valabrègue dresse le portrait d’une femme libre et forte.

Il faut un certain temps au lecteur pour saisir à qui se rapporte le nom qui tient lieu de titre au nouveau roman de Frédéric Valabrègue. Récit autobiographique, Nina Violetti évoque d’abord une éducation religieuse chez les Dominicains auxquels le narrateur et ses frères sont confiés par des parents (la mère et l’oncle plus exactement) athées. Une mise en internat vécue comme une mise à l’écart, la turbulence des frangins aggravant chez Odette (la mère) le sacrifice qu’elle fit à leur naissance en abandonnant une carrière de comédienne pour endosser, à sa façon, un rôle de mère. Le roman s’ouvre dans une matière sombre, dans la nuit de l’internat où l’ombre d’un « frère » dominicain vient caresser le corps d’un enfant. On est dans la France empesée des années 1950, avant que le pays ne revête « ses habits de notaire du milieu des années soixante ». Les trois frères ne comprennent pas pourquoi ils ont ainsi été donnés en pâture à un ordre religieux, eux dont la joie consiste justement à semer le désordre. Cette interrogation court tout au long des quatre cents pages du livre aiguisant le regard et l’oreille du narrateur, avide de saisir l’histoire familiale (peu banale), sa place dans le monde, sa nature profonde, son héritage.
À l’obscurité inaugurale succède la lumière provençale des étés passés par l’adolescent chez Suzanne et Louis, sa grand-mère paternelle et son compagnon. Elle est Nina Violetti, on l’apprend page 130, ainsi baptisée par Louis qui l’a peinte nue puisque Louis Pons est peintre et qu’elle est, Suzanne, une source inépuisable d’inspiration. Et si l’on parle de matière, c’est bien parce que Frédéric Valabrègue use de la langue comme un peintre de la peinture. Ainsi du portrait de l’arrière-grand-mère paternelle : « On l’aurait dite sortie d’un tiroir. Elle était tassée, ratatinée. C’était une dame tellement ridée que sa bouche disparaissait dans ses rides. Son nez disparaissait dans les plis de son nez et ses yeux dans ceux de son front. »
Chez Suzanne, le jeune Frédéric est mis à l’épreuve puisque c’est tout le monde qu’elle met à l’épreuve. Elle lui demande de se dénuder devant ses invités pour aller nager dans la Bresque qui coule en contrebas de la demeure de Sillans où vit une trentaine de chats. Elle lui montre son sexe, elle « pissait debout dans la rue, au milieu des passants, les toisant pour qu’ils détournent les yeux, pendant que je regardais où allait la rigole. » « Nous ne savions pas s’il s’agissait de nous initier aux situations inextricables, mais il est arrivé qu’elle me demande de dormir chez l’hôte où nous dînions quand celui-ci était seul et homosexuel. » L’un d’eux portraitura Suzanne d’une formule : « Ta grand-mère est la plus grande fouteuse de merde de la planète. » Louis n’est pas en reste qui héberge dans son atelier « une momie péruvienne en position fœtale (…) dérobée au musée Borély de Marseille » mais « l’autorité de Suzanne et Louis provenait de ce qu’ils nous enseignaient sans être des pédagogues et de la façon dont ils nous traitaient comme si nous n’avions pas le droit d’être endormis ni passifs. (…) Ils nous apprenaient à être autre chose que des hébétés. » La maison de Sillans devient pour le jeune Frédéric le lieu d’une initiation à l’art, à la poésie : on croise Joë Bousquet, initiateur de Louis, Pierre Tal Coat, Pierre Tilman, Jean Giono, la Beat generation, les poètes de Marseille. Mais l’apprentissage ne s’arrête pas au savoir, il est surtout une attitude face à la vie (les vols que Suzanne enchaîne dans les commerces comme des exercices pratiques soumis à ses petits-fils). Il est, cet apprentissage, l’éloge de la liberté absolue servi ici par une langue magistrale.

T. G.

Nina Violetti,
de Frédéric Valabrègue
P.O.L, 429 pages, 24

Une éducation sensible Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°255 , juillet 2024.
LMDA papier n°255
6,90 
LMDA PDF n°255
4,00