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Essais La vie brûlée

octobre 2010 | Le Matricule des Anges n°117 | par Richard Blin

Une œuvre inclassable et scandaleusement païenne : c’est à François Augiéras que Joël Vernet dit sa dette et son admiration.

L' Ermite & le Vagabond

Affamé d’absolu qui n’aura cessé de cultiver sa radicale différence, François Augiéras aura vécu dans un temps qui n’est tout à fait le nôtre. Marginal farouche se réclamant de l’art des premières civilisations, ses livres comme sa peinture sont le reflet d’une vie aussi singulière que romanesque. Frère en dérive d’un Vincent la Soudière ou d’un Christian Guez Ricord, sorte de Rimbaud withmanien, Augiéras est né en 1925, à Rochester, aux états-Unis, deux mois après la mort de son père, musicien de renom. Sa mère ayant décidé de rentrer en France avec lui, ils vivront d’abord à Paris, puis en ces terres du Périgord où venaient d’être découvertes les fresques de Lascaux.
Interrompant ses études à 13 ans au profit du théâtre des bois, Augiéras découvre avec ferveur la nature. Il fréquentera des mouvements de jeunesse vichyssoise, non pour des raisons politiques mais par amour de la vie en plein air. Sans père, il cherche l’homme, et sans frère, il se sent puissamment attiré par les garçons. Après s’être engagé dans la marine, il la fuira pour rejoindre un oncle, colonel en retraite, vivant au Sahara algérien, dans un fortin qu’il s’est bâti et dont une partie a été transformée en musée. Cet oncle va lui apprendre la grammaire, l’initier sexuellement et le traiter en esclave. « Qu’on se mette à ma place : je suis très peu français, barbare, peu instruit : un vieillard, comme sorti de la nuit des temps, chaque soir m’appelle dans son grand lit de fer, et me prend sous les astres en haut des toitures que la lune éclaire violemment de sa lueur ! Et il me faut raconter ça ! » Ce sera Le Vieillard et l’enfant, le livre qui va créer la légende, signé Abdallah Chaamba, faussement imprimé en Belgique sur papier de couleur et envoyé à quelques grands noms de la littérature. Il enthousiasmera Gide, qui l’accueillera, et dont il est sans doute le dernier amour. Mais Gide meurt, et c’est toujours l’histoire du père absent, dit Joël Vernet, « toujours une question de manque, de vie trouée, d’absence, de mutisme, de très grande colère ».
Fils déchiré – comme Gauguin, comme Rimbaud – Augiéras puisera au même besoin de transgression. Il gardera des délinquants, sera berger sur les hauts plateaux algériens, peindra sur des murs de blockaus désaffectés, séjournera au mont Athos, s’initiant à l’art millénaire de la peinture d’icônes. Son mariage sera un échec, et démuni, sans famille, il vivra en hospice, peignant dans le grenier des icônes modernes, enluminant d’or et d’ocre ses amours, avant d’élire pour dernier refuge, une caverne à flanc de falaise, rentrant dormir le soir à l’hospice, jusqu’à ce 13 décembre 1971 où il mourut, à 46 ans. Ultime abri, où fuir le monde odieux de l’hospice et de ceux qui le montrent du doigt – « N’être rien, c’est être suspect de tout » – et continuer à écrire au plus près de cette pensée primitive qui était la sienne – « Entrer dans la pierre et se mettre à l’écoute des grands rythmes de l’Univers-divin, c’est une joie, un appel, et presque une drogue et une fatalité. » – et dont témoigne Domme ou l’essai d’occupation, œuvre testamentaire et posthume (1981).
C’est à cet artiste que Joël Vernet rend à nouveau hommage sous la forme d’un récit épistolaire. « Vos livres ont brûlé mon cœur comme celui de tant d’autres (…). Ils m’ont marqué au fer rouge, ils ont rejoint ma vie semblable à la vôtre, autrefois, dans les oasis du Sud algérien. » Des livres – L’Apprenti sorcier, Un voyage au mont Athos, Une adolescence au temps du maréchal – pleins de « ette magie qui manque à notre monde », et qu’admirèrent Camus, Bonnefoy, Malraux, et aujourd’hui Le Clézio ou Michon. Des livres qui ne sont pas « des proses pour âmes charitables », mais ceux d’un ermite sans Dieu, d’un homme aimanté par la vie nue, brute. Des pages d’extases et de souffrances. Art d’agression dit Vernet, œuvre en tout cas, encore trop souterraine et incomprise, d’un homme qui tenta de vivre en constante insurrection, cultiva le plaisir d’exister sous la splendeur des astres et rêva sa vie comme une œuvre d’art.

Richard Blin

L’Ermite et le vagabond
Joêl Vernet
L’Escampette, 128 pages, 15

La vie brûlée Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°117 , octobre 2010.
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