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Domaine français Zone incertaine

janvier 2011 | Le Matricule des Anges n°119 | par Chloé Brendlé

Réagissant à un article de Télérama taxant de « mocheté » la banlieue, l’anthropologue éric Chauvier nous livre un nouvel examen critique du quotidien.

Contre Télérama

Qui sont-ils, ces journalistes centralisés pour décréter la laideur de notre périurbanité ? Qui sont-ils pour porter ce jugement qui, en suggérant de raser notre cadre de vie pour reconstruire je ne sais quel Eden, le rend indigne d’être étudié comme une tribu amazonienne ou une secte dangereuse ?  »
à travers cinquante-deux brefs « articles » qui constituent autant de fragments d’un abécédaire de la vie en « zone périurbaine », éric Chauvier entreprend non pas de réenchanter mais d’explorer l’imaginaire en friche de son environnement pavillonnaire. Il passe au crible de « mots-clefs  » (BARBARES, EXOTISME, TEMPS, CULTURE…) les éclats de ce qu’Adorno – auquel il se réfère –, appelait la « vie mutilée ». Dans ce texte en demi-teintes, loin d’être le terrain vague où se dissoudraient toutes les différences (de classe, de milieu, de jugement, d’appartenance et de reconnaissance), le « monde périurbain » n’a de cesse de se transformer en zone d’incertitudes et de turbulences, où l’on croise des bébés animaux dans un hypermarché, des buses assommées, une maison aux volets toujours clos, où un bois menace d’être rasé pour faire place à des logements sociaux en bois, où les lampadaires ont leur clair de lune… Sans compter les rencontres de troisième type avec les voisins ou les anciennes connaissances venues des quartiers centraux. Du quadrillage et de l’uniformité apparente, émergent des poches de résistance, qu’il s’agisse de bandes de verdure ou de motifs d’incompréhension. Nul hasard si éric Chauvier ne parle jamais de banlieue : il ne s’agit pas de cerner des contours, mais d’accomplir une minutieuse infra exploration hors des cadres.
L’anthropologue se livre en effet à un exercice d’instabilité aussi bien que d’attention : Contre Télérama est à la fois un journal de bord en mode mineur et une sorte de petit précis d’étonnement à l’usage des riverains. C’est entre le refus de l’embellissement ou du romanesque et celui de l’« impossible conversion de l’intime en politique » qu’oscillent sa réflexion et son écriture. « Nous refusions de continuer à vivre ici, dans ces lieux qui nous apparaissent mutiques et inaudibles, sans tenter quelque chose, sans mener ce qu’il convient de nommer “une enquête” » écrit éric Chauvier. L’énonciation du nous n’est pas celle de la posture surplombante universitaire, mais d’un groupe à échelle variable, couple ou « nous » de l’expérience commune, contre le « eux » disqualifiant sous-entendu par le jugement de valeur du « journal humaniste », Télérama. « Nous » de la polémique sinon du manifeste, pronom à taille humaine pour tenter de capter quelque chose de vrai. Cet essai ne va pas sans la conscience aiguë de l’imperfection ni sans le constant usage de l’ironie : « Cette recherche systématiquement contrariée de ce que nous nous figurons être l’authenticité nous condamne malgré tout au kitch et à la parodie. » Il rappelle la tension entre la médiocrité et le désir de s’en dépêtrer à l’œuvre chez Marie NDiaye, notamment dans Mon cœur à l’étroit, radiographie intime de provinciaux déstabilisés pour une cause non identifiée, couple de « nous » qui se fissure.
Stimulant, dense et suggestif, le Contre Télérama donne à penser ; il constitue aussi une frustrante et inaboutie expérimentation. On souhaiterait parfois que l’auteur saute le pas de l’invention et étaye l’anecdote. Refusant la littérature, éric Chauvier s’en nourrit pourtant, puisant dans un réservoir de micro-fictions à peine déployées – « franchises de fiction », écrit-il. Son écriture est tout sauf neutre, imprégnée qu’elle est d’une humilité commune à celle des récits « transpersonnels » d’Annie Ernaux et de tout un courant romanesque contemporain, mais un brin décevante. à l’instar du sociologue Marc Augé auscultant les non-lieux (aéroports, métros, échangeurs…), éric Chauvier renoue le lien entre sociologie, anthropologie et littérature, sans pour autant en développer toute la richesse.

Chloé Brendlé

Contre Télérama
Eric Chauvier
Allia, 63 pages, 6,10

Zone incertaine Par Chloé Brendlé
Le Matricule des Anges n°119 , janvier 2011.
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