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Poésie Archéologie de soi

mars 2011 | Le Matricule des Anges n°121 | par Marta Krol

Le Livre des recels montre la dynamique à l’œuvre dans la poétique de Marie Etienne, comme l’évolution de ses mythes fondateurs.

Le Livre des recels

Les Yeux fermés : Les Variations Bergman

Si la reprise du même n’est pas (que) répétition, c’est parce que dans la répétition se joue, aussi ou surtout, la différance : à savoir l’écart, la distance entre soi et soi. C’est cet écart derridien que Marie Etienne semble chercher à explorer, et exploiter, dans Le Livre des recels, et qu’elle paraît commenter avec humour dans Haute lice : « mettre à nouveau la main sur soi c’est difficile ! On essaie tout de même, on revient en arrière et on récapitule (…). N’existe-il donc pas, en paquet, dans un coin, un tas de linge qui est soi ? »
La matrice du Livre des recels est constituée d’épisodes en prose factuelle directement biographiques, lesquels introduisent en les éclairant les extraits choisis des volumes successivement parus de la poétesse, ainsi que quelques remarquables inédits. Comme cet Album (II), recueil de poèmes ultra-brefs, inspirés du haïku sans en être, en forme d’esquisses : magnifique réussite de l’ascèse dans l’observation et de sobriété dans le trait, tendues vers le fantasme du poème mimétique. La vertu immédiate du recueil est aussi de donner à relire ; par exemple Péage (1976-1978), poème narratif au souffle large et régulier qui conte, avec une voix d’homme, la disparition d’une femme en 1780 dans « la Loire comme aujourd’hui, épaisse et plate, et nous, devant son eau ». Mais la parole de Marie Etienne est par-dessus tout celle d’une femme. Celle dans l’envoûtante Adoration perpétuelle, où un je féminin, s’adressant à un tu muet, insuffle une énergie propre à un texte radicalement étrange, qui s’ouvre et se déplie toujours sur lui-même. Celle aussi qui dans De l’Amour voudrait que soit analysée « l’impossible acquisition de la maturité et de l’autonomie quand on est une femme pour qui l’amour est masochiste (ce qui semble être la norme) ». Problématique dont Haute lice chiffre un prolongement, donné sur un mode de l’obscur, entre délice et supplice, avec des visions d’accouplement tout sauf érotiques (« verge agressive », « un grand trou rouge entre les jambes »). L’opacité de la chose dite est ici cultivée à cause de la « passion pour les contes, tout ce qui fonde, car ce qu’on peut saisir (« voler, comprendre »), c’est ce qui est obscur ». Le conte ou le mythe sont détenteurs d’un nœud de sens, ce en quoi ils viennent « supplémenter le monde  » (Badiou à propos de la poésie elle-même) ; lequel, pour Marie Etienne, « est imparfait, au verbe créateur revient le soin et le devoir de réparer, de compléter ».
Et en effet, la fonction principale du Livre des recels est de montrer la dynamique à l’œuvre dans la poétique de l’écrivain. Ainsi les Lettres d’Idumée (1976-78) sont-elles construites autour de la figure de Bérénice, femme abandonnée qui crie sa détresse. On notera ici la pertinente réflexion sur le rôle de la représentation artistique (ici théâtrale, tandis que Les Yeux fermés dit les affinités profondes de l’auteure avec le cinéma), médiation indispensable permettant de voir ce que dans la vie nous ne pouvons appréhender : « Bérénice ordinaire, croisée dans les couloirs, serait laide, serait grise. (…) En dehors de la scène la douleur est obscène ». Plus loin : « sur la scène la douleur est admise. Exorcisée. Consommée, consommable. On a payé… ».
à Bérénice devenue symbole de tous les mythes féminins « partagés entre asservissement et assouvissement », succède en 2008 une Aigrette, « l’oiseau incomparable, ni homme ni femme, l’Oiseau. C’est-à-dire le dessin ». Figure porteuse de bien de sens : chérir le peu, valeur clé extrême-orientale ; pratiquer la reprise, à l’infini, du même, « refaire avec les variations » (pratiquer sa ritournelle dirait Deleuze) ; sans oublier le thème cher à Novarina ou encore à Deleuze, d’enfouissement, creusement dans le langage. Les poèmes inédits de L’Aigrette étonnent de pure transparence ; ils sont comme la fine pellicule autour du pistil de tulipe photographié par Brassaï : objet convoqué là pour mieux donner à voir à travers.

Marta Krol

Marie Etienne
Le livre des recels
Flammarion, 347 pages, 20
Les Yeux fermés ou Les variations Bergman
José Corti, 216 pages, 19
Haute lice
José Corti, 178 pages, 18

Archéologie de soi Par Marta Krol
Le Matricule des Anges n°121 , mars 2011.
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