De longues chaînes de bagnards enchaînés les uns aux autres sur la route, pelletant comme des damnés. Le dernier arrivé n’est pas le plus docile, Lloyd Jackson, Luke dit la Main Froide est un héros de la Deuxième Guerre mondiale, devenu « gangster de parcmètres ». C’est une bête de travail qui adore faire des paris stupides. Mais quand il joue du banjo les larmes ruissellent de ses yeux. Il lui arrive aussi d’exprimer quelques propos vaguement sacrilèges quant à l’improbable existence de « ce fils de pute barbu tout là-haut ». En 1949, âgé de 21 ans, Donn Pearce fut lui-même condamné à deux ans de travaux forcés. Luke la Main Froide est son premier roman publié en 1965 qui connut un réel succès aux Etats-Unis en pleine période des luttes pour les droits civiques. Il fut adapté au cinéma en 1967 par Stuart Rosenberg. Considéré comme un hymne à l’insoumission ce récit qui commence à un rythme un peu lent s’enflamme dès que la rage s’empare de Luke. Le jour où Luke apprend la mort de sa mère, il est enfermé dans « la boîte » au cas où l’envie lui prendrait d’aller assister à l’enterrement. A partir de là tout bascule… Luke devient un irréductible. Les tentatives d’évasion se succèdent. Il est repris humilié, molesté. Plus on veut le casser, le détruire, plus sa détermination se renforce.
Donn Pearce (et le traducteur) parviennent à donner tant d’énergie au personnage qu’on acquiert la certitude qu’il va réussir et que son souffle inépuisable va le porter vers la liberté. Jamais pourtant il ne réussira et finira lâchement assassiné lors d’une ultime évasion. Sa résistance, sa ténacité face aux persécutions incessantes dont il est l’objet donnent à Luke une forme de grandeur. Les abus de ceux chargés de le châtier ne parviendront jamais à entamer sa dignité contribuant à révéler les qualités d’un individu pourtant jugé irrécupérable.
Yves Le Gall
Luke la main froide
Donn Pearce
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Bernard Hœpffner
Passage du nord-ouest, 256 pages, 20 €
Domaine étranger La tête haute
mai 2011 | Le Matricule des Anges n°123
| par
Yves Le Gall
Un livre
La tête haute
Par
Yves Le Gall
Le Matricule des Anges n°123
, mai 2011.