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Égarés, oubliés Lella est une icône

juillet 2024 | Le Matricule des Anges n°255 | par Éric Dussert

Troisième épouse de Georges Arnaud, Lella Facchini a été la muse d’Édouard Boubat avant de devenir romancière et journaliste.

Je n’éviterai donc aucun lieu commun. Je ne sais pourquoi j’avais pensé que vous écriviez avec surexcitation. C’est la violence de vos livres qui m’a donné cette idée toute faite » Celle qui s’exprime ainsi un jour de mai 1957, c’est la trentenaire Lella Arnaud, qui pige pour Les Lettres nouvelles depuis quelque temps. À la parution de La Fin d’un primitif (traduction Yves Malartic, Gallimard, 1956), elle a la chance d’interroger l’auteur de romans noirs américain Chester Himes qui vient de publier l’un de ses livres les plus troubles, « un cauchemar d’alcoolisme, de sexualité effrénée et déviée, de scatologie, nymphomanie… » selon un porte-parole autorisé de la maison d’édition, sans doute Marcel Duhamel. Lella, elle, a débuté il y a quelques années dans la littérature et la critique. Née à Paris le 26 octobre 1924 dans une famille d’Italiens très modestes qui vient à peine d’émigrer, sous le nom de Leonella Facchini, elle s’oriente vers les Beaux-Arts dont elle suit les cours. Elle devient la muse du photographe Édouard Boubat qui prend d’elle en 1947 une des photographies les plus célèbres du siècle dernier. On connaît tous cette image qui la montre regardant à droite de l’image, déterminée comme on l’est à 23 ans, vêtue d’un chemisier très transparent qui laisse apparaître son soutien-gorge noir comme une provocation de la jeunesse. « Cette photographie, dira Boubat, est un don de la providence, et la providence n’a ni règle, ni théorie, elle ne parle pas au pluriel comme le fond les lois, mais au singulier comme pour protéger. »
À l’époque, Lella peint des tissus. Un beau jour de 1951 elle rencontre Georges Arnaud, l’auteur du Salaire de la peur, roman d’aventure qui avait paru chez Julliard en 1949. Il l’épouse dès le 22 septembre. C’est son troisième mariage. Elle est charmante, il l’appelle « mon oiseau » mais se fâche si l’oiseau achète une casserole. L’argent n’est selon lui pas fait pour ce genre d’idiotie… « –Tu devrais écrire », lui dit-il, et c’est ce qu’elle fait, cahin-caha, une page après l’autre. D’abord un roman, Marie assise sur une pierre (Julliard, 1955) où elle relate sa vie de bohème miséreuse. « – J’ai vécu un an dans un hôtel de l’île Saint-Louis, que tout le monde appelait l’Hôtel de la Cloche. Je vivais de crédit chez le boulanger et j’en étais réduite à porter mes habits et mes casseroles au clou. Puis tout s’est finalement arrangé, et maintenant je crois que j’en suis sortie ! » C’est ce qu’elle déclare au reporter de Combat, le 3 mai 1955 lorsqu’elle reçoit le prix Claire Bellon.
Le livre plaît, comme tout ce que publie Julliard alors. Il est, dit-on, « un petit chef-d’œuvre d’humour ». C’est la prière d’insérer qui le dit, et ça n’est pas tout à fait faux. À travers dix histoires qui mettent en scène le petit monde de Lella, en termes voilés, son irruption dans la vie d’adulte est mise en mots avec simplicité et beaucoup d’ironie. À mieux connaître la vie de Lella, on pourra peut-être reconnaître certains personnages… La directrice de presse odieuse, l’amant volage, la peintre ratée, etc. Tout débute par une scène d’un macabre achevé : « On avait ramené Roger de l’usine. Il était maintenant allongé sur le lit, dans ses habits du dimanche, avec du buis dans les mains. (…) La nouvelle avait fait très vite le tour de la maison ; Roger Verdier, celui du cinquième, avait perdu l’équilibre en passant près d’une courroie mal protégée. La machine l’avait écrasé. Ce soir on l’avait ramené mort à ses parents. Les locataires remerciaient de cette faveur la providence, qui choisissait leur maison pour théâtre d’un événement tragique. Trêve pour un ou deux jours aux disputes de ménage ; chacun réfléchirait à son propre bonheur. »
Le couple Georges-Lella se sépare dès 1953 ou 1954, même si le divorce n’est publié que longtemps après, le 12 novembre 1965. Si elle connaît avec son mari la période faste d’une aisance obtenue grâce à l’achat des droits du Salaire de la peur, elle ne participe pas à la période festive du lancement tonitruant de l’œuvre de Clouzot avec Montand, Vanel, Van Eyck et Lulli dont le formidable succès dépasse tout. Sans abuser, on peut dire qu’il explose… Reste pour elle Marie assise sur une pierre qui sera suivi par Les Chagrins capitaux (Julliard, 1957) et la veine romanesque se tarit, même si elle parlait un temps d’un manuscrit intitulé Boulevard de la révolte… On évoque encore une biographie de Ninon de Lenclos (1958) et, peut-être, de Vermeer (1952 ?) un ouvrage qui demeure introuvable En 1987, Édouard Boubat (1923-1999) publie Lella (Contrejour, « Cahier d’images »), en hommage à sa muse. On sait qu’elle a disparu le 17 février 2008 et qu’elle laisse une fille, Flore. La comédienne Caroline Sophie Megglé dont elle était la marraine lui a consacré un chapitre de ses mémoires, La Providence est une fée cruelle parfois (5 Sens).

Éric Dussert

Lella est une icône Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°255 , juillet 2024.
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