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Domaine étranger Histoires naturelles

avril 2012 | Le Matricule des Anges n°132 | par Valérie Nigdélian

Quelque part entre science et littérature, Xavier Queipo promène son « avide lanterne » de savant fou.

Chroniques animalières. Notes de philosophie naturelle

C’est à la gare de Padrón que j’ai vu pour la première fois deux escargots faire l’amour. » Ainsi s’ouvrent ces étonnantes Chroniques animalières, en cette image à la lascivité quelque peu inattendue, foyer de fascination pour un narrateur béat – gastéropodes si passionnément entrelacés que le deux s’est perdu dans l’un, « bave mousseuse » enveloppante aux vertus étrangement excitantes, hermaphrodisme si parfait qu’il garantit une jouissance décuplée. Quelque cent pages plus loin, ces Chroniques se ferment sur l’indiscutable supériorité gustative de l’ouvrier chinois sur l’ouvrier malais – statistiques et démonstration à l’appui –, ceci étant entendu du strict point de vue du tigre de la presqu’île de Malacca, qui figure comme chacun sait parmi les plus féroces mangeurs d’hommes au monde.
Entre ces deux balises, une vingtaine de chroniques, aux titres les plus invraisemblables les uns que les autres (de la « Botanique pour sourds » à l’ « Entomologie pour polyglottes », du « Sexe groupal chez les escargots de mer (bigorneaux) » aux « Facultés prodigieuses des lamantins »), initient un voyage dans les zones mystérieuses du vivant – parmi mollusques incestueux et insectes cannibales, rats-taupes à la mâchoire féroce et poissons au sexe variable. Mais qu’on ne s’y méprenne pas : ces chroniques n’ont rien de vulgaires affabulations. Tout ceci est éminemment sérieux, et s’énonce références scientifiques à l’appui : en notes, articles tirés des très officiels Bulletin du Muséum national d’histoire naturelle ou du Journal of the Marine Biological Association of the United-Kingdom, monographies modernes et contemporaines avoisinent les textes des grands explorateurs, de Humboldt à Darwin qui, c’est de notoriété publique, « n’a jamais été aux Antilles » – point de détail certes, mais néanmoins insuffisant pour interrompre le flux du désir de parler le monde (l’expliquer, le justifier) : point de détail, qui n’empêche pas Darwin de produire malgré tout une analyse descriptive de la barrière de corail idoine. C’est à ce point précis que tout bascule, et que les fondations rationnelles du discours révèlent leur suc intime, sur le mode du « on raconte que… » : invention, illusion, fantasme. Fantaisie ! Libre, subversive, d’une poésie décalée : chatouillant de ses plumes légères le savoir établi, empathique et moqueuse, minant, l’air de rien, toute prétention – bien humaine celle-là – à l’objectivité.
Pour carnavalesques qu’elles soient, ces Notes de philosophie naturelle n’en sont pas pour autant surnaturelles, surréelles, voire surréalistes – comme pourrait le laisser penser encore leur présence au catalogue des jeunes éditions Hauts-Fonds, où elles côtoient notamment les œuvres de Guy Cabanel. Sans viser au dépassement, par le haut, des limites de la réalité, elles en réinterprètent plutôt, jusque dans les moindres recoins, dans les anneaux de l’Ascaris nigrovenosa ou les fluides enzymatiques du Micromalthus debilis, les bizarreries constitutives, propices à une vision délicieusement absurde et à une lecture savoureusement anthropomorphique dont l’auteur pointe, beau joueur, les dérives tendancieuses.
L’auteur, justement : galicien exilé à Bruxelles où il œuvre accessoirement aux affaires maritimes et à la pêche au sein de la Commission de l’UE, membre du Collectif de poètes bruxellois à l’origine du projet d’une Constitution européenne en vers, Xavier Queipo se définit comme « biologiste et (…) rêveur – deux circonstances très fréquemment réunies comme en un tout et qui rendent cette profession particulièrement intéressante ». Ces Chroniques animalières ? Ni scientifiques ni littéraires, mais peut-être les deux à la fois, répondant ainsi au projet de « rapprocher des choses a priori éloignées » : si « de nombreux rapprochements se révèlent illégitimes, (…) je peux assurer que l’on a parfois aussi quelques surprises ».

Valérie Nigdélian-Fabre

Chroniques animalières.
Notes de philosophie naturelle

de Xavier Queipo
Traduit du galicien par Vincent Ozanam
ill. de Fausto C. Isorna
Les Hauts-Fonds, 104 p., 16

Histoires naturelles Par Valérie Nigdélian
Le Matricule des Anges n°132 , avril 2012.
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