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Poésie Gai savoir picard

avril 2012 | Le Matricule des Anges n°132 | par Richard Blin

Une étonnante suite polyphonique et une épopée en vers pour découvrir Ivar Ch’Vavar, un poète dont le rayonnement croît.

Le Marasme chaussé

Une aisance acrobatique à jongler avec les mots, une façon de faire sonner la langue et de reconduire toujours à la présence vivante des choses, telle apparaît d’abord la spécificité d’Ivar Ch’Vavar, né à Berck, en 1951, et qui, après moult publications « clandestines », a dirigé les revues L’Invention de la Picardie (1985-1995) et Le Jardin ouvrier (1995-2003) dont une anthologie a été publiée chez Flammarion en 2008.
Esprit avide d’aventures intérieures, il est surtout l’inventeur de singuliers sentiers balisant le territoire d’une véritable entreprise de refondation de la poésie. Après Rimbaud, nous dit Ch’Vavar, « il n’y a plus que des travailleurs, ou des sots (je ne parlerai pas des malhonnêtes). La poésie n’a pas avancé d’un pouce depuis 1875, notre homme étant allé jusqu’à l’endroit où elle s’arrête. Il nous a quittés là (lui ne s’est pas arrêté) (…) Rimbaud c’est notre commencement et notre fin infinie ». C’est à partir de ce point où elle devient impossible, qu’Ivar Ch’Vavar a décidé de tout recommencer, d’inventer une poésie d’après la poésie, une néo-poésie, forcément parodique. Car si le poème n’est plus possible, on peut cependant essayer de renouer avec ce qui est inaugural, depuis le « froissement » que la poésie fait à l’oreille jusqu’à sa matérialisation sur le papier. On peut repenser la façon dont elle se fait présence, matière, souffle ; chercher la forme la plus adéquate à la pulsion rythmique. D’où l’invention du vers justifié – constitué d’un nombre fixe de signes – et du vers arithmonyme, fondé sur le comptage de mots. Car le poème est d’abord une respiration et une tension émanant de ce qui est immédiatement là, avant même la langue. C’est ce réel, ce qui n’est habituellement pas vu que la poésie doit saisir. « Le ciel s’allonge au-dessus de la rue qui / m’est un tombeau, ouvert, peut-être, mais pas grand. / Pas ouvert très grand. – Un ciel bleu très clair / (non, le ciel n’est pas bleu c’est le bleu qui est clair) / au-dessus de la brique rouge culottée / d’années. – Je dis : années, ça culotte plus que : décennies / (qui serait par ailleurs plus exact). Eh ! »
En réunissant dans Le Marasme chaussé une douzaine de séquences poétiques composées au cours des vingt dernières années, Ivar Ch’Vavar montre combien la poésie relève de quelque chose qui est toujours à redéfinir, à réinventer ou à ré-explorer. Alors, il cherche, il tente, il découpe, désaxe ou tourmente la langue en la disloquant par inversions comme dans Ecrit en fumant du belge : « … qu’toujours demandait elle me de / lui mettre doigt le dans cul le, et qu’à ses fins toujours elle arrivait. Pas n’étais capable je de long résister luitemps, et alors… ». Ou bien, il détourne ou invente des voix. Il crée ainsi des œuvres et des poètes, comme ce Mac Laren dont il donne des poèmes gaéliques avant d’avouer : « J’ai composé moi-même ces textes à partir de phrases trouvées dans un manuel de gaélique écossais des années 50. » Mais être l’auteur, sous plus de cent hétéronymes d’une œuvre véritablement protéiforme – « Je reste seul à avoir été si nombreux » –, se paye cher puisque cette forme de dépersonnalisation, voire de dislocation du moi que suppose l’hétéronymie l’a conduit au bord de la folie.
Et quand il n’invente pas de poètes, il les pille (Delisse, Quintane, Tarkos, Konrad Schmitt) ou pousse à son ultime conséquence le célèbre « Je est un autre » en signant de son nom un texte entièrement composé de citations de Rimbaud. Dans À la barbe de Jules Verne, il rend hommage à celui qu’il considère comme son « grand-père en littérature », en composant un long poème fait de phrases et de mots prélevés dans six de ses romans. Un poème dont il a donné une interprétation chamanique dans le cadre d’une autothérapie – la poésie comme noble rameau d’une certaine magie ? – dans les lieux mêmes où Jules Verne écrivit, à Amiens.
Écriture oblique donc, comme la marche du crabe – Ch’Vavar, en picard –, et passion du concret dont Titre nous donne un autre exemple. Il s’agit d’une épopée dont presque tous les épisodes se situent à Berck, au début des années 70 et dont les héros – six filles et six garçons – sont bien réels à deux exceptions près. Chacun a droit à un chant, sauf Grand-Con (Ivar Ch’Vavar). Une épopée dont le mètre est la laisse – « ce qu’on dit en laissant aller le souffle » – et dont les protagonistes, qui viennent de découvrir André Breton et Georges Bataille, ont envie de se prouver qu’ils existent en allant au bout de leur fantasme. « C’est seulement sous les mou. ettes / que filles mandent qu’on les fouette ». Guettant les signaux du hasard objectif, goûtant aux substances psychédéliques, hantant plages et dunes, ils s’enflamment d’exaltation poétique. Sur fond de présence brute du monde, d’interaction du vivre et du dire, c’est à réinventer un sens à la pratique poétique, qu’invite Ivar Ch’Vavar.


Richard Blin

Ivar Ch’vavar
Le Marasme chaussée
Flammarion, 256 p., 20
Titre
Éditions des Vanneaux, 112 pages, 15

Gai savoir picard Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°132 , avril 2012.
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